Défaut de diagnostic aux urgences d'un hématome sous-dural aigu
Une patiente de 77 ans, tombée de la table de massage de son kinésithérapeute, présente une plaie au niveau du crâne. Transportée aux urgences d'une polyclinique, elle est prise en charge par un médecin urgentiste.
La réalisation du scanner est compliquée par l’extrême agitation de la patiente qui s’oppose à la réalisation des soins : la qualité des images en est perturbée. Il est cependant jugé normal par le radiologue.
De son côté, l'urgentiste, confronté au refus catégorique de la patiente de subir une prise de sang, ne réalise aucun bilan de la coagulation.
Le lendemain, à la suite de vomissements puis d'un état de coma, un nouveau scanner est réalisé : il révèle un hématome sous-dural aigu dont la patiente décède deux jours plus tard.
Ses ayants droit assignent par voie de référé le médecin urgentiste, le radiologue ainsi que la polyclinique. Une expertise est ordonnée.
Les fautes du radiologue et de l'urgentiste
Le rapport d’expertise relève des fautes à l’encontre de l'urgentiste et du radiologue.
- L’urgentiste n'a pas procédé à une étude biologique de la coagulation à l'arrivée de la victime, alors qu'il s'est avéré par la suite qu'elle était en surdosage important des anti vitamines K. Cette absence de tout bilan biologique est d'autant plus problématique chez une patiente victime d'un traumatisme crânien, dont le traitement anticoagulant était connu.
- Le radiologue a interprété à tort comme normal un scanner cérébral qui montrait pourtant les signes d'un saignement intracrânien débutant.
Ces fautes conjuguées ont retardé la mise en œuvre des soins et interventions nécessaires et ce retard est à l'origine d'une perte de chance de survie.
L'agitation de la patiente n'est pas une excuse
En référé, il est alloué une provision de 5 000 € au conjoint, 2 500 € à chacun des enfants et 2 250 € à chacun des petits-enfants, la responsabilité des deux praticiens étant considérée comme incontestable.
L’un des médecins interjette appel à l'encontre de l'ordonnance de référé.
La cour d’appel confirme la responsabilité et la perte de chance.
- En ce qui concerne l'urgentiste, le refus par la patiente de se soumettre à une prise de sang n'est pas établi. Il existe certes une attestation rédigée par un infirmier du service, indiquant qu’elle a voulu quitter l'établissement contre avis médical et était opposée aux soins. Mais cette attestation n'est pas suffisante pour démontrer, en l'absence de pièces médicales contraires, et notamment les fiches d’observation médicale ou de prescription, qu'une prise de sang a effectivement été proposée et refusée. Il n'est pas non plus démontré que l'urgentiste a informé la patiente des conséquences de ce refus, conformément aux dispositions de l'article L.1111-4 du Code de la santé publique.
- En ce qui concerne le radiologue, la mauvaise qualité des clichés du scanner, qui pouvait effectivement résulter du comportement agité de la patiente au moment de l'examen, n'empêchait pas de déceler les anomalies (hyperdensité du bord gauche de la tente du cervelet et discret hématome sous-dural temporal postérieur gauche). En effet, elles ont été vues sans difficulté par l'expert, qui a considéré que de telles images auraient dû conduire le radiologue à demander un transfert en milieu neurochirurgical, et non pas à conclure à un examen normal.
Que retenir de cette affaire ?
L’état d’agitation du patient et/ou son opposition aux soins peuvent être invoqués par le professionnel de santé à l’appui de sa défense. En effet, si la bonne dispensation des soins a été perturbée par le comportement du patient, il est important d’en faire état car cela peut influer sur l’appréciation des juges.
Néanmoins, pour espérer une prise en compte, encore faut-il que certaines conditions soient réunies, comme l’illustre très bien cette affaire :
- Le comportement "perturbateur" du patient doit être prouvé, par exemple par une mention de l’opposition du patient dans le dossier médical.
- S’il s’agit d’un examen dont les résultats peuvent être rendus plus difficiles à interpréter, il faut, là encore, mentionner ces difficultés dans le dossier. Et encore faut-il que, même en dépit de ces difficultés, le diagnostic ne soit pas possible.
- Quand il est constaté un comportement qui peut mettre l’efficience des soins en péril, ou restreindre les possibilités de diagnostic, il faut alors informer le patient des conséquences sur la prise en charge.