Ethique, culturel ou religieux, le refus de soins s’impose à tous
"Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement […]. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne […]".
L'article L.1111-4 du Code de la Santé Publique relatif aux droits généraux des personnes malades et des usagers du système de santé, consacre ainsi le droit au refus de soins par le patient.
Le principe est clair : "Le professionnel de santé doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix".
Quel soignant (médecin, sage-femme, infirmier…), qu’il soit libéral ou qu’il exerce en établissement, ne s’est jamais trouvé confronté à un refus de soins, dans une situation inextricable, tiraillé d’un côté entre le respect de la volonté du patient et, de l’autre, son devoir moral de le soigner, surtout lorsque la gravité de son état de santé le nécessite ?
Parmi les motifs les plus fréquents, avoués ou non, on citera notamment ceux en rapport avec la religion :
- bien sûr l’hypothèse "classique" du refus de transfusion par le patient témoin de Jéhovah ;
- la patiente qui sollicite un suivi gynécologique tout en refusant l’examen clinique ;
- l’identification ou les soins rendus impossibles par le port d’un voile intégral ;
- le refus d’être pris (e) en charge par un praticien masculin ou féminin.
A juste titre, les professionnels de santé s’interrogent sur l’attitude à adopter.
Jusqu’où aller dans la relation avec le patient ? Tenter de le convaincre envers et contre tout ou lâcher prise et s'incliner devant le refus exprimé par le récalcitrant d'être soigné par crainte de voir sa responsabilité professionnelle par la suite recherchée pour non-respect de la volonté du patient ou en cas d’erreur de diagnostic ?
Le refus de soins pour motifs religieux n’est pas abordé par la réglementation actuelle, ce qui pose difficultés aux soignants qui se sentent démunis.
Mais quels qu’en soient les motifs, éthiques, culturels ou religieux le refus de soins reste soumis aux mêmes principes juridiques.
Refus de soins : la marche à suivre
Informer la personne des conséquences de son choix et de sa gravité
Dès lors que la décision du patient met sa vie en danger, il doit être informé des conséquences de son choix.
La loi du 2 février 2016 portant droits des personnes en fin de vie a cependant modifié l’article L. 1111-4 CSP en supprimant la formulation selon laquelle "le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre (la personne) d'accepter les soins indispensables".
Cette ancienne formulation faisait peser une lourde responsabilité sur les épaules des professionnels de santé qui ne parvenaient pas à faire changer d’avis leur patient et surtout à rapporter la preuve d’avoir tenté de le faire.
Le nouveau texte a pour objectif d’insister sur le respect de la volonté du patient, lequel prend dorénavant la place centrale dans la décision médicale.
Il ne semble donc plus nécessaire de tenter de le convaincre, il suffit de lui délivrer une information loyale, claire et appropriée sur son état de santé, les soins nécessaires, leur utilité, leur urgence et le cas échéant leurs alternatives ainsi que sur les risques fréquents ou graves encourus du fait de ces soins ou de l’absence de soins.
L’heure est à la responsabilisation des patients. S'agissant de sa santé, le patient reste libre mais aussi responsable de ses choix.
Prévoir plusieurs entretiens pour permettre au patient de réitérer sa décision
En cas de refus, si le soignant n’est plus tenu de tenter de convaincre le patient, en revanche, il ne peut s’incliner trop vite.
La personne doit réitérer son refus "dans un délai raisonnable". Cette formulation implique l’existence d’une nouvelle discussion avec le professionnel de santé. Le texte est cependant muet sur le délai dans lequel cette confirmation doit intervenir.
Si le (la) patient(e) ne change pas d’avis malgré les explications fournies, le soignant ne pourra alors que s’incliner. Le refus de soin s’impose à tous (exception pour les soins aux mineurs).
En tout état de cause "le suivi du malade doit rester assuré"
Il n’est donc pas question de renoncer à assurer les soins au patient sauf pour raisons personnelles et à la condition de s’assurer de la continuité des soins (art R 4127-47 ; R 4127-328 CSP…) .
Faire signer un formulaire de refus de soins
Ce document constitue, en cas de contestation ultérieure, une preuve du refus de soins. En revanche, il ne vaut pas décharge de responsabilité, laquelle est en soi dénuée de toute valeur juridique. Ainsi toute mention en ce sens est totalement inutile.
Ce formulaire n’étant pas obligatoire le patient peut parfaitement refuser de le signer.
Peuvent y figurer les éléments suivants :
- date,nom et prénom du patient,
- domicile,
- mention selon laquelle le patient refuse les soins qui lui sont proposés,
- mention selon laquelle le médecin n’est pas favorable au choix du patient,
- mention selon laquelle le patient a été informé de manière claire et a compris les risques encourus pour sa santé,
- mention selon laquelle le patient a eu la possibilité de poser toute question complémentaire, qu’il a reçu les réponses satisfaisantes à ces questions, et qu’il a eu le temps nécessaire pour prendre sa décision,
- mention selon laquelle un double de cette attestation sera conservé au dossier.
S’il l’accepte, le patient devra apposer la mention "lu et approuvé", ainsi que sa signature sur le document.
Dans le cas d'une prise en charge en établissement, le patient peut, en plus de refuser les soins, souhaiter quitter les lieux et rentrer à domicile.
Dans ce cas, l’article R. 1112-62 CSP prévoit que, dans les établissements publics de santé, tout malade qui désire sortir de l’établissement alors que le médecin chef de service estime que cette sortie est prématurée ne peut être autorisé à quitter l’établissement qu’à la condition de remplir une attestation établissant qu’il a eu connaissance des dangers que cette sortie représente pour lui.
Tracer le refus dans le dossier médical
Plus un dossier médical est documenté, plus il sera aisé de retracer le cours des événements et prouver que l’incident survenu a pour cause l’attitude du patient.
Ainsi devront figurer au dossier :
- les difficultés rencontrées, qu’il s’agisse des problèmes de tenues vestimentaires inadéquates, des refus de soins ou d’être pris en charge par tel praticien (bien préciser dans ce cas qui était de garde alors), ou encore des attitudes agressives ;
- l’information délivrée sur les conséquences de son choix, ainsi que les alternatives possibles mais aussi l’absence d’alternative ;
- le renfort sollicité par exemple auprès d’un confrère, d’un collègue ou de la hiérarchie, et en particulier auprès du chef de service et du Directeur d’établissement ;
- la décision finalement prise.