Selfie avec une célébrité partagé sur Facebook : le cas d'Oxana, IADE en clinique esthétique privée

Un selfie (discret) avec un chanteur célèbre

Au cours de l’après-midi, Oxana profite d’une pause pour aller saluer sa collègue Maya, qui travaille à l’accueil du service des consultations. Maya lui signale qu’un chanteur français très connu est, depuis trois quarts d’heure, en consultation dans le bureau du chirurgien esthétique. Espérant l’apercevoir à sa sortie, Oxana reste quelques minutes à l’accueil. 

Au bout de 5 minutes, la star sort du cabinet de consultation et salue le chirurgien qui l’a raccompagnée sur le pas de la porte. Oxana en profite pour se tourner dos au chanteur et, discrètement, se photographier en selfie, de telle manière qu’il soit visible en arrière-plan.

Le soir, elle publie la photo sur sa page Facebook, configurée en mode privé (cercle amical et familial), avec le commentaire suivant :

Devant les réactions amusées de ses "amis", elle décide de remplacer son ancienne photo de profil par le selfie. 

Que risque Oxana ?

Le manque de discrétion d'Oxana peut lui faire courir plusieurs risques de mise en cause, tant par son employeur, la clinique esthétique, que par la célébrité qu’elle a prise en photo à son insu. 

L'atteinte à la vie privée et au droit à l'image

Le droit à l’image permet d’autoriser ou de refuser que son image soit reproduite et diffusée, sur un support physique ou numérique. Il s’inscrit dans le droit, plus large, au respect de sa vie privée, protégé par l’article 9 du Code civil. 

Ce droit à l’image est la propriété de la personne concernée, qui doit consentir par écrit à la publication de la photo ou de la vidéo sur laquelle elle figure, dès lors qu’elle y est reconnaissable (et isolée lorsque la photo a été prise dans un lieu public).

Ces règles s’appliquent aux anonymes comme aux personnes connues. Pour ces dernières, la seule limite concerne le droit à l’information, qui autorise la diffusion de l’image d’une personnalité publique lorsqu’elle a été captée dans l’exercice de son activité professionnelle. 

Dans le cas d'Oxana, la violation du droit à l’image et de la vie privée du chanteur est manifeste. 

• La photo a été prise dans un lieu public, mais hors de tout contexte professionnel pour le chanteur qui consultait un médecin à titre privé. Il n’est pas dans une foule mais est clairement isolé. 
• Son accord n’a pas été sollicité puisque la photo a été prise discrètement. Mais il faut noter que, même si la star avait accepté de poser, le droit à l’image s’appliquerait de la même manière puisqu’elle n’aurait pas, pour autant, accepté la diffusion de l’image. 
• Oxana a publié la photo en guise de photo de profil, visible par tous sur Facebook, et pas seulement de ses "amis".  
   

La publication de la photo sans l’accord de la personne concernée peut engager la responsabilité d'Oxana, au civil comme au pénal.
—

En effet, publier la photo d’une personne prise sans son accord peut être sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.  

La violation du secret médical

Le champ du secret médical est très vaste. Il ne couvre pas seulement les pièces médicales ou l'identité du patient ; il y a également violation du secret médical lorsque la simple présence d'une personne dans un établissement de soins est révélée. 

En prenant ce selfie, en arrière-plan duquel le chanteur célèbre est aisément reconnaissable, Oxana a révélé sa présence dans une clinique de chirurgie esthétique. Le message maladroit qu'elle a posté aggrave la situation puisqu'elle sous-entend clairement le motif de cette présence : en l'occurrence, préparer une intervention de chirurgie de rajeunissement. 

Une violation du secret médical pourrait donc lui être reprochée, tant par l'intéressé lui-même que par son employeur.

La Cour de cassation considère depuis longtemps que l'employeur peut sanctionner son salarié à raison des propos tenus sur un réseau social configuré en mode public. En l’occurrence, la photo de profil, sur laquelle apparaît le chanteur en arrière-plan, est bien visible par tous. 

Même si Oxana revenait à son ancienne photo de profil et réservait la photo avec le chanteur à son cercle restreint, le risque de sanction par l’employeur ne serait pas écarté. En effet, depuis une décision du 30 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que l'employeur peut sanctionner un salarié à raison d'un message publié sur un réseau social, même privé et restreint, sous trois conditions :

• La preuve doit avoir été obtenue par l'employeur de manière loyale : en l'occurrence, il peut s'agir d'une dénonciation auprès de l'employeur de la part d’une personne appartenant au cercle des "amis". 
• Puisque la prise en compte par l'employeur d'éléments publiés dans un cadre strictement privé est l'exception, il est indispensable que l'objectif poursuivi soit légitime et la preuve recherchée doit correspondre à cet objectif légitime.
• Enfin, l'employeur ne peut utiliser la preuve ainsi recueillie qu'à la condition de ne pas disposer d'autres moyens de preuve moins intrusifs pour aboutir au même résultat. 

*Ce cas est inspiré d’une situation réelle, mais les protagonistes et les éléments de contexte ont été modifiés.

Visuel généré avec l'aide de l'IA