Présentation de Jean
Jean PEUPLU a 41 ans et est médecin généraliste dans une grande ville.
Il publie régulièrement sur le réseau social X, sous pseudonyme, avec une photo de profil représentant un personnage de BD en blouse blanche.
Son ton est ironique, légèrement moqueur.
Jean* a une activité professionnelle soutenue. Son compte X, ouvert en 2019, l’aide à relâcher la pression après une longue journée de travail.
Il ne poste que sur son exercice de médecin et ne parle jamais de sa vie privée. Il aime raconter des anecdotes en rapport avec son activité, sur un ton humoristique. Souvent, il relate avec ironie les petits travers de ses patients, dont il ne révèle jamais l’identité.
Sa communauté de 12 000 followers réagit beaucoup à ses posts, le plus souvent de manière bienveillante.
Des propos sarcastiques... à la limite du dénigrement
Depuis quelques mois, Jean est fatigué par ses journées de travail intenses. Le ton ironique de ses tweets devient de plus en plus mordant.
Un jour, il poste le message suivant :
Moment schizo du jour, à l’instant. J’ai dit à une patiente qu’elle n’était pas en état de travailler et je l’ai arrêtée pour 8 jours. Moi, en mon for intérieur : "Feignasse, arrête de chouiner, perds 10 kilos et retourne bosser !"
Ce message provoque de multiples réactions. Parmi les plus de 300 commentaires postés en réponse, on trouve :
- des personnes qui abondent dans le sens de Jean, dans des termes mesurés ou plus outranciers : "Plus personne ne veut bosser", "Ces feignants qui creusent le trou de la Sécu", "Et pendant ce temps, cette grosse feignasse prend le créneau de quelqu’un qui est vraiment malade".
- des internautes choqués par les propos de Jean et qui expriment leur opinion, parfois de façon virulente : "Si c’est une feignasse et qu’elle n’a pas besoin d’un arrêt, pourquoi avoir accepté de lui en faire un ?", "Les médecins, toujours à traiter les autres de feignasses, c’est vraiment la pire communauté", "Manque d’empathie, remarque sur le poids, usage idiot d’un terme psy, c’est carton plein. Voilà qui ne donne vraiment pas envie de vous avoir comme médecin traitant !". Certains internautes insultent Jean ou taguent le Conseil de l’Ordre des médecins pour attirer son attention sur le post litigieux.
Le post de Jean est partagé des centaines de fois. Au bout d’une semaine, la polémique finit heureusement par retomber.
Que risque Jean ?
Jean a été contrarié par le tour qu’a pris son message et très soulagé que la pression retombe au bout de quelques jours. Il a perdu beaucoup de followers. Il est vaguement inquiet d’éventuelles réactions du Conseil de l’Ordre.
La violation du secret médical
Jean intervient sur X avec un pseudonyme et sans photo de profil réelle, il n’est donc pas possible de l’identifier. Il n’évoque par ailleurs jamais sa vie privée, qui pourrait donner des indices sur son lieu d’exercice.
Sa patiente ne pourra pas se reconnaître ni être reconnue par des tiers, d’autant qu’il n’a fourni aucune information précise sur elle ou sur sa pathologie.
Les risques de suites au titre de la violation du secret professionnel sont donc inexistants.
La déconsidération de la profession
- Ce post a donné une image peu empathique des médecins, avec le sentiment qu’ils ne sont pas sincères à l’égard de leurs patients et se moquent d’eux. La référence à la corpulence de la patiente et le lien fait avec son arrêt de travail peuvent aussi être perçus comme très dévalorisants, de même que l’emploi péjoratif du terme "schizo".
- L’article R4127-31 du Code de la santé publique précise que "Tout médecin doit s'abstenir, même en dehors de l'exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci". Il pourrait ici être considéré que les propos tenus sont susceptibles de déconsidérer la profession.
Cependant, même si Jean a été maladroit, son message est resté isolé. Le risque qu’il soit inquiété est donc faible. Il aurait pu en être autrement s’il était coutumier de ce genre de message et s’il en avait fait la "ligne éditoriale" de son compte sur X.
Nos conseils si vous êtes dans le cas de Jean
- Avant de poster, demandez-vous si l’anecdote que vous voulez raconter ne risque pas de dégénérer en polémique. Si le sujet est très sensible, mieux vaut l’éviter.
- Gardez toujours en tête que ce qui est anodin pour une audience (par exemple d’autres professionnels de santé) peut choquer la majorité des lecteurs du post. Même une communauté habituellement bienveillante peut mal réagir.
- Modérez vos propos, en particulier si vous vous présentez clairement comme médecin et si vous publiez essentiellement des messages inspirés de votre pratique professionnelle. Au-delà de votre seule personne, ils engagent aussi l’image de votre profession. Les propos insultants, discriminatoires ou diffamatoires sont évidemment à bannir.
- Ne publiez pas de post sous le coup de l’énervement ou de la fatigue. Laissez passer un peu de temps pour éviter d’employer des mots maladroits et pour décider si le message vaut la peine d’être publié ou pas.
- Vous n’êtes pas responsable d’éventuels propos outranciers des personnes qui commentent vos posts, mais vous ne devez ni les provoquer, ni les encourager. En cas de dérapage, ne likez pas les messages et intervenez pour inviter les internautes à plus de modération.
- Même si vous publiez sous pseudonyme et n’êtes pas reconnaissable, soyez conscient que vous n’êtes pas pour autant anonyme. En cas de propos problématiques, il sera toujours possible de vous identifier.
- Si votre post a provoqué des réactions houleuses, n’hésitez pas à le supprimer. Tout le monde a droit à l’erreur mais il faut en tirer les leçons. Si vous persévérez et laissez le message en ligne, vous faites durer la polémique inutilement et risquez même de la voir resurgir des années après !
*Ce cas est inspiré d’une situation réelle, mais les protagonistes et les éléments de contexte ont été modifiés.
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