Pourquoi autant de plaintes en traumatologie ?
La réponse est simple : le patient paraît davantage en quête d’une récupération ad integrum dans le cadre d’un accident - que celui-ci survienne au travail ou dans la vie privée - que lors de la prise en charge d’une pathologie chronique au cours de laquelle il s’est presque "habitué" à devoir supporter certains désagréments…
Malheureusement, cette récupération ad integrum, même entre les mains les plus expérimentées, n’est pas toujours obtenue. C’est ce qui provoque l’insatisfaction du patient à l’encontre du "responsable" de l’accident et, à défaut, à l’encontre du praticien l’ayant pris en charge…
Prévention du risque médico-légal en traumatologie : informez surtout !
Fort heureusement, les prises en charge sont souvent parfaitement conformes et ne génèrent pas de séquelles.
Le demandeur et son conseil disposent cependant d’un "joker" pour faire valoir un droit à indemnisation : le défaut d’information.
C’est du moins le constat que nous faisons souvent lors des expertises en traumatologie mettant en cause nos sociétaires.
Si les fractures du poignet, du col du fémur, de la cheville, sont inscrites au planning du bloc opératoire de la journée dans la colonne "Urgences", en pratique, ces situations ne correspondent ni sur le plan médical ni sur le plan légal à des situations d’urgence pouvant dédouaner les praticiens de leur obligation d’information.
Informez sur tout !
L’information "loyale, claire et appropriée" du patient doit porter sur plusieurs éléments essentiels.
La gravité lésionnelle
L’explication de la gravité fracturaire est souvent négligée par le chirurgien qui, naturellement :
- espère redonner une fonctionnalité au membre concerné,
- se veut rassurant face à une personne en situation de détresse.
Vous devez donc apprécier la gravité fracturaire et l’exposer précisément à votre patient .
Les alternatives thérapeutiques
De nombreuses pathologies traumatiques peuvent bénéficier d’un traitement autant orthopédique que chirurgical.
Les progrès chirurgicaux, l’anesthésie locorégionale, la brièveté des hospitalisations incitent de plus en plus les chirurgiens à proposer un traitement chirurgical : on évite ainsi les inconvénients pénibles des immobilisations prolongées en cas de traitement orthopédique tout en assurant un résultat fonctionnel des plus performants.
Pour exemple, une fracture de scaphoïde carpien non déplacée est accessible aussi bien à un traitement orthopédique qu’à un traitement chirurgical percutané.
Votre rôle, et aussi votre devoir, est de détailler les avantages et inconvénients de chaque option : le patient peut ainsi réaliser un choix "éclairé" du traitement sans risquer de revendiquer en expertise de ne pas avoir été informé.
Les techniques chirurgicales
Elles doivent, dans leurs grandes lignes, être elles aussi explicitées.
L’arsenal thérapeutique est extrêmement étendu, allant de clou verrouillé à des plaques verrouillées. Hormis certaines situations fracturaires, un grand nombre de fractures sont accessibles à l’une ou l’autre de ces techniques chirurgicales.
Là encore, vous devez informer le patient des différentes alternatives thérapeutiques, avec leurs avantages et leurs inconvénients, en justifiant pourquoi vous retenez la première plutôt que la seconde.
Libre à lui de refuser la décision thérapeutique retenue. Libre à vous d'organiser son transfert secondaire dans un établissement auprès d’un chirurgien qui accédera à sa demande.
Les risques chirurgicaux
Les risques chirurgicaux, tout comme en consultation programmée, se doivent d’être explicités de façon exhaustive.
Insistons sur le fait que le caractère inéluctable du traitement chirurgical ne dispense en rien l’opérateur d’informer son patient…
Les suites opératoires
Enfin, le patient doit connaître l’évolution attendue, tant d’un point de vue médical que fonctionnel.
Dans notre expérience, nous constatons souvent qu’un patient prévenu de lourdes séquelles attendues acceptera le handicap séquellaire, à l’inverse de celui à qui nous avions laissé miroiter une récupération extrêmement satisfaisante.
Conservez la preuve de la délivrance de l’information !
Même dans un contexte de traumatologie, vous devez tracer et justifier que l’information a été délivrée :
- mot d’observation aux Urgences,
- mot d’observation avant sortie,
- compte rendu d'hospitalisation,
- compte rendu opératoire,
- lettre au médecin traitant.
C’est ce qui permettra d’établir que le consentement a été éclairé.
Ces éléments seront autant de preuves, surtout s’ils sont assortis de la mention éventuelle "courrier dicté en présence du patient" dans l’hypothèse où ce dernier viendrait ultérieurement contester "avoir eu le choix" de refuser un traitement ou d’en demander un autre.
Informer… pour ne pas se faire (bêtement) condamner
Même si les préjudices résultent d’une cause n’impliquant en rien vos compétences techniques et votre prise en charge globale, le seul défaut d’information (avéré ou dont la preuve contraire n’a pu être apportée) peut entraîner votre condamnation.
En outre, sur le plan financier, les conséquences d’un défaut peuvent être lourdes.
Concrètement, en reprenant l’exemple de la fracture du scaphoïde non déplacée, s’il survient une infection au décours d’une ostéosynthèse et qu’il n’est pas tracé que le patient pouvait bénéficier d’un traitement orthopédique, une perte de chance pouvant aller jusqu’à 80 % peut être retenue à l’encontre du chirurgien. Son assureur se devra alors d’assumer 80 % des différents postes de préjudice.
Les recommandations du Comité Médical de la MACSF
En conclusion, nous devons sortir de notre esprit que traumatologie signifie "urgence" et nous dispenserait de délivrer une information.
Hormis quelques cas graves particuliers, et somme toute assez exceptionnels dans notre quotidien, nous devons délivrer une information :
- complète,
- non limitée aux risques opératoires,
- tracée.