Prise d'appel téléphonique au cabinet : inconvénients et risques pour le patient présent
Le patient qui est présent au cabinet peut légitimement être agacé de voir sa consultation interrompue et l’attention du médecin dispersée, notamment au stade de l’interrogatoire ou d’une discussion. Il peut avoir le sentiment d’être moins écouté - et donc moins bien pris en charge –, voire d’être "expédié" par son médecin par manque de temps.
La situation peut même devenir dangereuse si, au moment de l’appel, il se trouve sur la table d’examen, obligé de patienter et laissé sans surveillance, surtout s’il s’agit d’une personne fragile ou âgée.
Inconvénients et risques pour le patient appelant
Pour le patient qui appelle, la disponibilité du médecin est avant tout un avantage. Elle lui permet d’obtenir rapidement une réponse à ses questions qui, sans être urgentes, le préoccupent suffisamment pour justifier un appel : avis sur un symptôme, retour sur des résultats d’examen, conseil pour être rassuré.
Mais lorsque l’appelant expose sa situation à son médecin, celui-ci peut alors se trouver amené, pour lui répondre, à divulguer, même superficiellement, des informations confidentielles sur sa santé devant le patient présent dans le cabinet et dont la consultation a été interrompue. Il existe donc un risque de non-respect du secret médical.
Enfin, le patient doit garder à l'esprit qu'un appel téléphonique ne peut fournir au médecin des enseignements aussi précis qu’une consultation en cabinet. S’il n’est pas clair dans ses questions ou expose sa situation de façon erronée, il ne permet pas au médecin d’apporter la réponse la plus adaptée et prend donc un risque.
Inconvénients et risques pour le médecin
Se montrer disponible pour ses patients au téléphone présente l’avantage d’éviter certaines consultations inutiles et permet un gain de temps, notamment dans les périodes de forte affluence au cabinet médical. Cette disponibilité est généralement très appréciée des patients qui sont rassurés de pouvoir joindre leur praticien quand ils en ont besoin.
Les inconvénients pour le médecin sont nombreux
- L’interruption dans le cours de sa consultation peut lui faire "perdre le fil" de sa démarche médicale. Distrait par l’appel, il peut alors "oublier" un élément révélé par le patient présent dans son cabinet, ou oublier de tracer l’appel dans le dossier du patient appelant.
- Si les appels sont nombreux dans la journée, il peut en découler une perte de temps importante et un retard dans le planning des consultations. Cela génère un stress inutile et un mécontentement des patients présents au cabinet.
- Interrompu dans sa consultation et ne disposant pas nécessairement de tous les éléments médicaux nécessaires, le médecin peut "passer à côté" d’un signe d’alerte chez le patient qui l’appelle.
- Le médecin ne peut pas toujours s’assurer de l’identité de l’appelant. Il n’est donc pas à l’abri d’un appel d’une personne qui cherche à avoir des renseignements sur un tiers et qui se fait passer pour lui pour les obtenir avec, à la clé, le risque de trahir le secret médical.
- Si le médecin accepte trop facilement de prendre les appels, certains patients peuvent être tentés d’en abuser et de multiplier les sollicitations pour des motifs futiles ou ne justifiant pas d’interrompre une consultation.
Gérer au mieux les appels téléphoniques pendant la consultation
Avant toute chose, le médecin doit être conscient qu’il n’est pas obligé de répondre aux appels téléphoniques de ses patients pendant les consultations, sauf cas d’urgence.
S’il choisit de se montrer disponible pour ces appels "courants", il doit alors prendre certaines précautions pour que cela ne désorganise pas le cabinet et ne nuise pas aux patients présents.
Il peut par exemple :
- Faire filtrer les appels par son secrétariat, auquel il aura préalablement donné des directives pour distinguer les situations qui justifient de passer l’appel.
- Définir dans le planning de la journée des plages horaires dédiées aux appels des patients, même si cette solution est parfois difficile à mettre en œuvre, la plupart des patients appelant avant tout au moment où ils en ont besoin…
- Être bref dans ses réponses : cela permet d’éviter des digressions inutiles qui pourraient faire durer l’entretien plus que nécessaire. Ne pas se montrer trop prolixe évite aussi de risquer de divulguer des informations couvertes par le secret médical. Néanmoins, à partir du moment où le médecin a fait le choix de répondre, il ne doit pas traiter l’appel de manière trop expéditive, au risque de négliger certains détails importants et d’engager ainsi sa responsabilité en dispensant des conseils inadaptés ou en ne prenant pas le temps de poser les bonnes questions.
- Si la situation exposée par l’appelant le justifie, et s’il n’y a pas d’urgence particulière, il peut être souhaitable d’apporter une réponse différée, en proposant au patient de le rappeler ultérieurement, après la consultation ou entre deux rendez-vous. Cela permet à la fois de ne pas pénaliser le patient présent au cabinet, et d’apporter une réponse plus précise à l’appelant sans risque de trahir le secret médical. S’il existe un doute sur l’identité réelle de l’appelant, ce peut être aussi un moyen de faire quelques vérifications avant de répondre.
- Il ne faut pas hésiter à se montrer ferme avec les patients qui seraient tentés de recourir systématiquement à un appel téléphonique en lieu et place d’une consultation au cabinet. S’il est concevable qu’un patient appelle pour solliciter un conseil ou avis ponctuel, il ne doit pas, en revanche, en faire un mode de fonctionnement habituel, qui le dispenserait de se déplacer. Si le médecin pratique la téléconsultation, il peut la proposer aux patients qui appellent.
- Même si cela semble aller de soi, il ne faut pas oublier de s’excuser pour l’interruption auprès du patient présent dans le cabinet, ou de le remercier pour sa patience si l’appel a duré quelques minutes. S’en abstenir peut donner le sentiment que le praticien a accordé plus d’intérêt et d’importance au patient qui l’a appelé qu’à celui qui est venu le consulter, et donc générer un mécontentement ou une défiance.
Quelles sont les responsabilités encourues par le médecin ?
Lorsqu’une consultation est interrompue par l’appel téléphonique d’un patient, le médecin peut engager sa responsabilité, tant à l’égard du patient qui appelle que de celui qui se trouve en face de lui au cabinet.
La responsabilité à l'égard du patient qui appelle pendant une consultation
Parce qu’il peut être amené à prendre une décision médicale (par exemple, conseil de consulter, de prendre tel ou tel médicament, etc.) concernant celui qui lui a demandé un avis par téléphone, il doit y consacrer le temps et les moyens nécessaires, ce qui ne sera possible qu’à la condition de ne pas laisser ces appels empiéter de façon trop importante sur le planning de la journée.
Le médecin doit aussi prendre soin de mentionner cette décision dans le dossier médical. En effet, il peut être utile de se prémunir contre une mise en cause ultérieure par un patient qui reprocherait une décision inadaptée qui lui a porté préjudice.
La responsabilité à l'égard du patient en consultation interrompue par un appel
En ce qui concerne le patient présent en face de lui, le médecin peut se voir reprocher de ne pas lui avoir consacré toute l’attention et le temps nécessaires s’il laisse les appels empiéter de façon trop importante sur la consultation. S’il est distrait par les sollicitations extérieures, il peut commettre des erreurs (par exemple dans la posologie d’un médicament) qui peuvent donner lieu à une mise en cause.
À retenir
S’il est tout à l’honneur du médecin de se rendre disponible, autant que possible, pour ses patients qui le sollicitent, il doit veiller à un bon "dosage" pour éviter de se retrouver débordé et mis en défaut.