Prescriptions hors AMM : un cadre juridique profondément remanié en 2021
Le cadre juridique applicable était initialement fixé par l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique (CSP), créé par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Dans sa rédaction antérieure, cet article posait le principe de la validité d’une prescription hors AMM, dès lors qu’il n’existait pas de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une AMM ou d'une ATU (autorisation temporaire d’utilisation) dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, sous certaines conditions.
Ces conditions étaient différentes, selon qu’il existait ou non une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) et pouvaient se résumer ainsi :
- S’il existait une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) sécurisant l’utilisation de la spécialité dans l’indication ou les conditions d’utilisation concernées : le médecin pouvait prescrire hors AMM s’il considérait que cette spécialité répondait aux besoins du patient, et ce même s’il existait par ailleurs une spécialité ayant fait l’objet d’une AMM dans la même indication, dès lors que le praticien jugeait qu’elle ne répondait pas aux besoins du patient.
- En l’absence de RTU. Il ne devait exister aucune alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une AMM ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, et le prescripteur devait juger indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient.
En pratique, il est apparu des difficultés dans certains cas pour faire une distinction nette entre ATU et RTU, mais aussi du fait de la complexité du dispositif d’ATU, plusieurs fois modifié.
C'est dans le but de proposer un cadre juridique plus simple, permettant de garantir un accès et une prise en charge immédiate par l’assurance maladie des patients concernés, que l’article L. 5121-12-1 du CSP a été totalement réécrit.
L’accès compassionnel au médicament, une solution aux impasses thérapeutiques
La nouvelle rédaction de l’article L. 5121-12-1 du CSP autorise l'utilisation exceptionnelle de certains médicaments, au titre de l'accès compassionnel, dans des indications thérapeutiques précises, et sous certaines conditions strictes :
- le médicament ne doit pas faire l'objet d'une recherche impliquant la personne humaine à des fins commerciales ;
- il ne doit pas exister de traitement approprié ;
- l'efficacité et la sécurité du médicament doivent être présumées au regard des données cliniques disponibles ainsi que, lorsque l'indication concerne une maladie rare, des travaux et des données collectées par les professionnels de santé dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
Le texte prévoit deux situations dans lesquelles il peut exister un accès compassionnel :
- l’autorisation de l’ANSM sur demande du prescripteur,
- l’établissement par l’ANSM d’un cadre de prescription compassionnelle.
Le décret n° 2022-164 du 11 février 2022 fixe les conditions dans lesquelles l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) peut élaborer, modifier, suspendre et retirer les "cadres de prescription compassionnelle" (CPC) prévus par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021.
Première hypothèse : l’autorisation de l’ANSM, délivrée à la demande du prescripteur
Cette autorisation peut être délivrée sous les conditions suivantes :
- traitement d'une maladie grave, rare ou invalidante ;
- pour un patient nommément désigné ;
- pour une durée maximale d'un an renouvelable ;
- pour un médicament qui ne dispose pas, quelle que soit l'indication thérapeutique, d'une AMM ou médicament qui a fait l'objet d'un arrêt de commercialisation et dont l'AMM ne porte pas sur l'indication thérapeutique sollicitée.
L’autorisation peut être délivrée pour un médicament faisant l'objet, à un stade très précoce, d'une recherche dans l'indication considérée, sous certaines conditions :
- la mise en œuvre du traitement ne peut être différée ;
- le patient ne peut pas participer à cette recherche ;
- l'entreprise qui assure l'exploitation du médicament s'engage à déposer une demande d'accès précoce.
Deuxième hypothèse : l’établissement par l’ANSM d’un cadre de prescription compassionnelle, de sa propre initiative ou sur demande du ministre chargé de la Santé
Ce cadre de prescription est établi sous les conditions suivantes :
- médicament faisant l’objet, pour d'autres indications, d'une AMM délivrée par l'ANSM ou par la Commission européenne, afin de sécuriser une prescription non conforme à cette autorisation, y compris quand il existe un traitement disposant d'une AMM, dès lors qu’il ne s'agit pas d'un médicament de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique ;
- pour une durée de trois ans renouvelable.
- le prescripteur juge que le traitement répond, au moins aussi bien que le médicament ayant fait l'objet de l'AMM dans cette indication, aux besoins du patient.
Un suivi étroit des patients traités dans le cadre de l’accès compassionnel
Quelle que soit l’hypothèse (autorisation ou cadre de prescription au titre de l'accès compassionnel), un protocole d'utilisation thérapeutique et de suivi des patients est indispensable et imposé par l’article L. 5121-12-1 du CSP.
Le texte ne prévoit que deux exceptions :
- lorsqu'il existe suffisamment de recul sur les conditions d'utilisation du médicament dans l'indication faisant l'objet du cadre de prescription compassionnelle ;
- lorsqu’il existe un autre médicament comparable disposant d'une AMM dans cette indication.
Les informations concernant l'efficacité, les effets indésirables et les conditions réelles d'utilisation du médicament ainsi que, le cas échéant, les caractéristiques de la population bénéficiant du médicament ainsi autorisé ou encadré doivent être recueillies.
Ce recueil est réalisé par les prescripteurs suivant les modalités fixées par l’ANSM, dans le strict respect du secret médical.
L’indispensable information du patient
Le prescripteur doit informer le patient, ou son représentant légal s'il est mineur, ou la personne chargée de la mesure de protection s’il s’agit d’un majeur protégé, ou encore la personne de confiance :
- que la prescription du médicament ne s'effectue pas dans le cadre d'une AMM mais de l'accès compassionnel ;
- le cas échéant, de l'absence d'alternative thérapeutique ;
- des risques encourus ;
- des contraintes et des bénéfices susceptibles d'être apportés par le médicament ;
- des conditions de prise en charge, par l'assurance maladie, du médicament prescrit dans l'indication considérée.
La mention "Prescription au titre d'un accès compassionnel en dehors du cadre d'une AMM" doit apparaître sur l’ordonnance.