Des complications en cascade après une banale coloscopie
En raison d’un test de dépistage positif au cancer colorectal, un patient âgé de 41 ans est adressé par son médecin traitant, à un gastro-entérologue.
Le 22 avril, une coloscopie est donc réalisée et met en évidence deux polypes, à 40 cm et 25 cm de la marge anale, qui ont été retirés à l’anse.
Le résultat d’anatomopathologie retient qu’il s’agit d’adénomes tubulo-villeux dysplasiques de bas grade.
Le lendemain, le patient se présente spontanément à la clinique en raison de douleurs abdominales. Il est reçu par le gastro-entérologue et examiné. Il n’est relevé aucune anomalie compte tenu de la bénignité des signes cliniques présentés.
Le 25 avril, le patient se présente au niveau du service des urgences de l’hôpital général local avec un tableau associant fièvre et douleurs abdominales.
Les premiers éléments du bilan permettent de mettre en évidence de discrets signes de péritonite localisée, avec une collection en cours de formation en regard d’une probable perforation endoscopique.
Il est opté pour une ponction de la collection (le drain n’est pas laissé en place du fait de douleurs importantes) associée à un traitement antibiotique au cours d’une courte hospitalisation.
Le 6 mai, un nouveau scanner révèle une majoration de la collection en regard de la perforation et l’antibiothérapie est poursuivie au cours d’une hospitalisation de 6 jours.
Le 1er juin, le patient est admis en urgence à l’hôpital devant la majoration des signes cliniques, ce qui motive la réalisation d’un scanner abdomino-pelvien. Ce scanner retrouve un nouvel abcès dans la fosse iliaque gauche justifiant un nouveau drainage radiologique le lendemain.
Un entérocoque fæcalis est isolé et le patient est hospitalisé pour traitement antibiotique et surveillance.
Le 15 juin, compte tenu de l’évolution défavorable, il est finalement opéré avec laparotomie et intervention de Hartmann. Il est également réalisé une résection iléo-cæcale de nécessité du fait d’une plaie cæcale, région manifestement incarcérée dans la zone abcédée.
En mai de l’année suivante, il est procédé à la fermeture de la stomie mais les suites sont marquées par l’apparition d’une éventration qui fera l’objet d’une nouvelle intervention.
La CCI retient la responsabilité du gastro-entérologue
Lors de l’expertise médicale, l’expert retient que la perforation en lien avec le geste endoscopique relève de l’aléa thérapeutique, avec un risque documenté de 0.9 à 1.1 %. Il ne retient par ailleurs aucun manquement de la part du gastro-entérologue.
La Commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) fait une interprétation différente des causes du dommage.
La péritonite qui s’est développée trouve son origine dans l’acte de résection des polypes par anse et relève effectivement d’un accident médical non fautif.
Cependant, la Commission estime que le gastro-entérologue aurait dû procéder à la réalisation d’examens complémentaires lorsque le patient s’est présenté le lendemain, lors de la survenue des premiers symptômes liés à la complication.
En effet, le patient a indiqué aux membres de la commission qu’il présentait de la fièvre en plus des douleurs abdominales, ce à quoi le praticien n’a pu s’opposer en produisant un dossier médical bien renseigné.
En effet, il avait revu son patient lors d’une consultation non programmée et s’était montré rassurant envers lui à l’issue de son examen.
Le demandeur a été reconnu victime d’un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale à hauteur de 10 %.
La responsabilité du gastro-entérologue est finalement retenue à hauteur de 90 % pour les préjudices subis et les manquements reprochés.
Un manque de traçabilité qui a pesé lourd...
C’est au patient d’apporter la preuve d’un manquement du praticien dans la prise en charge. Pour ce faire, il s’appuie sur les éléments contenus dans le dossier médical, qui permettent de retracer la chronologie et la nature des soins dispensés.
Dans ce contexte, il est donc important que le dossier ait été bien renseigné et bien tenu par le praticien, conformément au Code de déontologie qui prévoit : "Indépendamment du dossier médical prévu par la loi, le médecin tient pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est personnelle ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du médecin".
En l’espèce, le patient dit avoir mentionné au cours de la consultation la survenue d’un épisode fiévreux, qui aurait dû provoquer des examens complémentaires. De son côté, le praticien affirme qu’il n’existait pas de fièvre. En l’absence de toute mention au dossier de la consultation litigieuse, la CCI a privilégié la version du patient.
Face à ses juges, la bonne tenue du dossier médical est la meilleure arme du professionnel de santé.
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Crédit photo : FURGOLLE / IMAGE POINT FR / BSIP