Perforation lors d'une coloscopie : un accident "classique"
Un homme âgé de 51 ans subit une coloscopie pour exploration d’un résultat Hemoccult™ positif. L’examen met en évidence deux polypes qui font l’objet d’une résection endoscopique en ambulatoire, au sein d'une clinique privée.
Le lendemain, le patient se plaint d’une douleur abdominale avec fièvre et consulte alors son gastro-entérologue qui, après examen clinique, ne retrouve pas d’éléments inquiétants et rassure son patient.
Par la suite, les douleurs se majorent et le patient consulte cette fois au service des urgences de l’hôpital local où est retrouvée une perforation sigmoïdienne avec abcès en regard.
Il est procédé à un traitement par drainage radiologique sous couvert d’une antibiothérapie.
Après une amélioration clinique transitoire et un retour à domicile, l’état de santé du patient se dégrade. Une tomodensitométrie met en évidence une collection abcédée au sein du méso-recto sigmoïde, ainsi qu'une autre collection hétérogène intra-abdominale au niveau de la fosse iliaque externe gauche.
Un second drainage est entrepris avec antibiothérapie, n’apportant pas d’amélioration clinique du fait de la découverte, lors d’une coloscopie courte, d’un orifice fistuleux entretenant l’expansion de l’abcès.
Il est finalement décidé de réaliser une sigmoïdectomie avec anastomose latéro latérale mécanique et colostomie terminale.
L’antibiothérapie en intraveineux est poursuivie pendant 14 jours avant le retour au domicile après 4 semaines d’hospitalisation.
Neuf mois plus tard, le patient est opéré pour le rétablissement de la continuité digestive avec iléostomie de protection. Une dernière intervention est prévue ultérieurement pour rétablissement totale de la continuité digestive.
Un accident médical... un aléa pour l'expert
Le patient saisit la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) pour manquement fautif dans la réalisation de la coloscopie et la surveillance post-procédure.
Lors de l'expertise, il est retenu que :
- l'indication de coloscopie pour ablation des polypes était adaptée,
- le consentement éclairé a été signé par le patient et l'information délivrée, oralement ainsi que par voie écrite avec la remise d'un document d'information édité par la société Française d'endoscopie digestive.
Un aléa indéniable mais un suivi insuffisant selon la CCI
La Commission, s’appuyant sur le rapport d’expertise, rappelle que la perforation endoscopique est un accident médical non fautif qui peut survenir dans 0,9 à 1,1 % des cas de résection endoscopique de polypes coliques.
Toutefois, elle qualifie la prise en charge post-endoscopique de non conforme, estimant que le gastro-entérologue aurait dû, au vu de l'état de santé du patient, faire réaliser un scanner et demander un avis chirurgical afin, le cas échéant, de reconsidérer la prise en charge.
De ce fait, la Commission conclut :
- à un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation au titre de la Solidarité nationale à hauteur de 10 % ;
- à une responsabilité du gastro-entérologue du fait de cette prise en charge non conforme à hauteur de 90 %.
Que retenir de cette affaire ?
Dans cette affaire, le gastro-entérologue, qui a revu son patient le lendemain de l'acte critiqué, n'a rédigé aucun compte-rendu de consultation.
Il a revu son patient de façon non programmée, entre deux soins.
Il était ainsi, malgré un interrogatoire et un examen clinique bien conduits, dans l'impossibilité d'apporter la preuve matérielle de l’absence de gravité des signes présentés par son patient, malgré la déclaration de ce dernier concernant l’apparition d’une fièvre que niait l’endoscopiste, lors des opérations d'expertise.
Le patient n’est pas retourné vers son gastro-entérologue qui aurait pu reconsidérer sa prise en charge.
Le retard dans l’élaboration du diagnostic de perforation colique post-résection endoscopique de polypes a fait perdre au patient une chance d’éviter une laparotomie avec colostomie, puis iléostomie de protection, qui ont généré des souffrances endurées majorées.
Ainsi, on rappelle les termes du Code de la santé publique et ceux du Code de déontologie qui prévoit, en son article R.4127-32, que "dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents".
Aux termes de l'article R.4127-33 de ce même code on rappelle que "le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés".
Le suivi post-soins est une situation à risque de litige. Cette période nécessite toujours une vigilance accrue avec la poursuite, par le praticien, de soins consciencieux et diligents.