Pourquoi "trois" responsabilités ?
De manière générale, la responsabilité recouvre l'ensemble des situations dans lesquelles un infirmier ou une infirmière peut être appelé(e) à répondre de ses actions ou de ses omissions du fait de ses obligations ou de son exercice professionnel.
Or, en pratique, il n'existe pas "une" mais "trois" responsabilités répondant à des principes et des buts si différents, qu'il est essentiel au professionnel, soucieux d'évaluer les risques liés à sa pratique, d'en percevoir les contours.
En effet, selon l'objectif de la mise en cause (indemniser un patient, réprimer un comportement jugé dangereux pour la société ou sanctionner un manquement disciplinaire), la responsabilité engagée sera tantôt civile, pénale et/ou disciplinaire.
La responsabilité civile ou administrative
Le but de la responsabilité civile ou administrative n’est pas de punir mais de permettre au patient, victime d’un dommage, d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi.
Pourquoi distinguer responsabilité civile et administrative ?
Il s’agit d’une particularité de l’organisation de la justice en France qui commande que suivant le statut du professionnel de santé concerné, la réclamation doit être présentée devant la juridiction civile ou devant la juridiction administrative.
- Ainsi, un infirmier ou une infirmière libéral(e) ou salarié(e) d’une clinique ont a en principe un statut privé : en cas de mise en cause, le patient devra déposer sa demande auprès du tribunal judiciaire.
- En revanche, lorsque l’infirmier ou l’infirmière travaille à l’hôpital public, la réclamation du patient devra être d’abord présentée au directeur de l’établissement puis, en cas de rejet de ce dernier, devant le tribunal administratif.
Ce statut n'est pas figé et son appréciation est souvent une question de circonstances.
À titre d'exemple, une infirmière hospitalière engage sa responsabilité civile personnelle et non pas celle de l'administration, si celle-ci venait à dispenser un soin dans la rue ou à titre bénévole.
Quels sont les conditions de la responsabilité civile ?
Pour obtenir cette indemnisation le patient doit alors rapporter la preuve de trois éléments cumulatifs :
- Une faute : elle peut être simple ou grave, volontaire ou involontaire, résultant d’une action ou d’une omission établissant que l’infirmier ou l’infirmière n’a pas dispensé à son patient des soins "attentifs, consciencieux ou conformes aux données acquises de la science".
- Un dommage : atteinte physique ou psychique à l’intégrité du patient, aggravation de son état, décès.
- Un rapport de cause à effet certain entre la faute reprochée et le dommage subi.
Une infirmière salariée peut-elle engager sa responsabilité pécuniaire personnelle ?
Comme le but recherché est avant tout d’accorder une indemnisation au patient, c’est généralement l’employeur de l’infirmier ou l’infirmière qui prendra en charge les conséquences de la faute de son salarié.
En effet, dès lors que cet employeur tire des bénéfices de l’activité de l’infirmière, on considère qu’il lui appartient normalement d’en assumer les risques.
Il est toutefois indispensable aux infirmiers et infirmières salarié(e)s de souscrire une assurance personnelle pour les hypothèses où la faute commise se situe au-delà du cadre strict de la mission que lui a confié son employeur.
Ces hypothèses dans lesquelles l’employeur n’est pas susceptible d’intervenir concernent principalement :
- la faute volontaire ;
- la faute détachable du service (correspondant à une faute personnelle de comportement) ;
- le dépassement de compétences réglementaires (exécution d’un acte médical en dehors des limites et conditions réglementairement fixées, exécution d’une prescription orale, décision de sortie d’un patient sans avis médical) ;
- les soins donnés en dehors de l’établissement (soins donnés dans la rue, soins donnés à titre bénévole…).
La responsabilité pénale
La responsabilité pénale a pour objectif de punir le comportement dangereux ou illicite d’un professionnel de santé du fait des dommages qu’il a pu causer à son patient ou du simple fait d’avoir fait courir un risque injustifié à celui-ci.
Ainsi, lorsque involontairement, par imprudence, maladresse ou inattention, une infirmière cause la mort ou des blessures à un patient, celle-ci peut encourir des sanctions des chefs d’atteinte involontaire à la vie ou d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne.
Par ailleurs, puisqu’il s’agit de sanctionner un comportement, des condamnations à des peines d’amende ou de prison peuvent aussi être prononcées alors même que le patient ne justifierait d’aucun dommage, par exemple en cas de violation du secret professionnel, de non-assistance à personne en danger ou de mise en danger d’autrui.
À retenir
La responsabilité pénale est toujours strictement personnelle : personne ne "couvre" donc jamais personne et chacun doit répondre de ses gestes (mais uniquement de ses gestes).
Ainsi, un infirmier ou une infirmière a l’obligation de refuser un ordre qui serait manifestement illégal car, en exécutant un tel ordre, il ou elle se positionne comme "la main qui accomplit l’acte" et donc comme son auteur principal.
La responsabilité disciplinaire
Un infirmier ou une infirmière peut faire l’objet de sanctions disciplinaires en cas :
- de violation d’une règle professionnelle particulière issue des articles R.4312-1 à R.4312-89 du Code de la santé publique (CSP) ou de dépassement des compétences règlementaires fixées par les articles R.4311-1 à R.4311-15 du CSP ;
- de désobéissance ou d’inobservation de mesures ou d'ordres émanant de son employeur (dès lors que ceux-ci ne sont pas manifestement illégaux).
Ces sanctions peuvent être l’avertissement, le blâme, la mise à pied ou, dans certains cas, le licenciement.