"Seconde victime" : un terme récent dans la littérature médicale
Le terme "seconde victime" a été introduit par Albert WU dans un éditorial du British Medical Journal en 2000.
"Quand j’étais « house officer », un autre résident n’a pas identifié les signes ECG d’une tamponnade péricardique qui aurait dû conduire le patient en urgence en salle d’opérations. La nouvelle a diffusé rapidement, le cas a été jugé de façon répétée par un jury incrédule de « pairs » et le verdict général a été qu’il s’agissait d’incompétence.
J’ai été effrayé par l’absence de sympathie et je me suis demandé secrètement si j’aurais pu faire la même erreur et devenir, comme le résident malchanceux, la deuxième victime."1
Le terme "seconde victime" peut être défini comme :
"Un soignant impliqué et traumatisé par un événement imprévu et défavorable pour un patient et/ou une erreur médicale dont il se sent souvent personnellement responsable et qui occasionne un sentiment d’échec et remet en question son expérience clinique et ses compétences fondamentales."2
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Le médecin seconde victime de l'erreur et les situations de burn-out >
Savoir identifier les professionnels de santé à risque
L’effet "seconde victime" touche en premier lieu le corps médical : les médecins sont, en France, une des professions où le taux de suicide est le plus élevé. Mais il convient de signaler que les paramédicaux sont également concernés par le sujet, car ils sont au plus près du patient et responsables des actes qu’ils dispensent.
Plusieurs structures ont été créées pour porter assistance aux médecins en difficulté (comme le font depuis plus longtemps les Catalans et les Québécois). Elles peuvent également être mobilisées pour les paramédicaux.
Il est primordial de détecter les professionnels en difficulté. Cela implique de reconnaître les facteurs pouvant générer cette détresse chez le soignant.
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La place des responsables médicaux et paramédicaux des services est essentielle, car la première action à mettre en œuvre est l’identification des situations de soins pouvant faire suspecter une "seconde victime" lors de la survenue d’un Événement Indésirable Grave (EIG).
Par exemple, il convient de réaliser un debriefing pour permettre à chacun de s’exprimer sur le cas clinique et pour évaluer la potentialité d’un sujet à risque.
Des effets parfois dévastateurs pour le soignant "seconde victime"
Ils sont très souvent difficilement identifiables : c’est un mélange de consternation, de colère, de culpabilité, de souffrance…
Les quelques recherches concernant les infirmiers ayant fait une erreur apportent des éléments qualitatifs : elles décrivent, outre un sentiment de responsabilité personnelle, la difficulté de déclarer un incident de peur d’être sanctionnés ou d’être jugés par leurs pairs.
Éric Galam3 précise que les impacts de ces erreurs sur les soignants peuvent être simultanés ou non, intenses et prolongés.
Il conviendra d’être attentif au professionnel de santé, car les répercussions peuvent toucher les pratiques professionnelles, le soignant dans son rapport à ses patients et à son métier, le soignant et sa vie privée.
Des processus de prise en charge établis
La prise en charge de la souffrance psychologique doit être mise en œuvre précocement.
Le Collège Français des Anesthésistes Réanimateurs (CFAR) a développé des fiches pratiques expliquant les étapes à suivre pour générer un rétablissement et met à disposition de ses membres un numéro vert.
Un soutien émotionnel est essentiel à la réussite de l’accompagnement
Ce soutien peut être spécialisé, mais surtout l’ensemble de l’équipe doit être vigilant et rechercher toutes attitudes pouvant objectiver un risque psychosocial (hyperactivité, désinvestissement, abus de substance…).
Le suivi par la Médecine du travail sera également déterminant.
Une prise de conscience indispensable
Tous les soignants sans exception peuvent être confrontés à cette éventualité, être un jour une "seconde victime", car tous les soignants peuvent être potentiellement à l’origine d’une erreur médicale. Personne n’est à l’abri.
Les professionnels de santé plus isolés, profession libérale par exemple, peuvent être plus vulnérables, car la dynamique d’équipe est plus modeste.
Chaque soignant doit être vigilant sur ce sujet, car après la première victime qu’est le patient, la seconde victime qu’est le soignant, il serait catastrophique qu’une troisième victime, un autre patient, soit impacté par cette réaction en chaîne...