Infections nosocomiales : le point en images
- Pourquoi le chirurgien orthopédiste est-il attrait à la cause dans une infection nosocomiale ?
- Quelles sont les recommandations en antibioprophylaxie ?
- Comment prévenir l'infection ?
Voici les réponses du Dr Nicolas Chanzy, chirurgien orthopédiste conseil à la MACSF.
La prévention de l’infection nosocomiale
D’un point de vue médical strict
La prévention de l’infection nosocomiale, en particulier dans la chirurgie prothétique, obéit à certaines règles médicales qui sont les suivantes :
- La recherche de foyer infectieux préopératoire (dentaire en particulier, l’ECBU fait à ce jour encore débat).
- L’équilibration du diabète.
- Un amaigrissement préalable du patient à l’intervention si celui-ci présente une obésité majeure (IMC>35).
- Un arrêt du tabac qui se doit d’être ordonné à son patient.
- Une antibioprophylaxie adaptée.
D’un point de vue médico-légal
L’information concernant le risque infectieux doit clairement être explicitée au patient.
L’abord de ce sujet tabou est pourtant relativement facile, à savoir qu’il convient d’expliquer aux patients qu’il y a un taux incompressible d’infection nosocomiale au décours d’une chirurgie prothétique de l’ordre de 1 %, qui est prévenu et diminué au maximum en prenant en considération les éléments de prévention primaires sus-cités.
Naturellement, cette complication hélas fréquente en chirurgie orthopédique doit être notifiée noir sur blanc sur le consentement éclairé signé par le patient avant intervention tout comme l'obligation d'arrêter de fumer.
Les nouvelles recommandations en matière d’antibioprophylaxie
Chirurgie orthopédique
Molécules et doses recommandées
- Antibioprophylaxie en l’absence d’allergie : céfazoline 2g IVL
- En cas d’allergie : clindamycine 900mg IVL ou vancomycine 20mg/kg IVL ou téicoplanine 12mg/kg IVL
Eléments nouveaux
- Cette antibioprophylaxie, lorsqu’elle est indiquée, ne se voit pas modifiée chez les patients obèses présentant un IMC inférieur à 50. Si l’IMC est supérieur à 50, une discussion collégiale s’impose sur la stratégie prophylactique.
- Il n’y a pas lieu de changer de molécule en cas de reprise chirurgicale précoce dès lors qu’elle est considérée comme aseptique.
Chirurgie du membre inférieur
Seules ces chirurgies ne doivent pas bénéficier d’une antibioprophylaxie :
- Plastie ligamentaire sans matériel.
- Arthroscopie sans matériel.
- Ablation de matériel d’ostéosynthèse.
- Chirurgie des parties molles.
- Résection osseuse simple.
Chirurgie de l’épaule et du coude
Seules ces chirurgies ne doivent pas bénéficier d’antibioprophylaxie :
- Arthroscopie sans mise en place d’un matériel.
- Ablation de matériel d’ostéosynthèse.
- Résection osseuse simple.
- Chirurgie des parties molles.
Chirurgie de la main
Les chirurgies exemptes d’antibioprophylaxie sont :
- Chirurgie des parties molles.
- Ablation de matériel d’ostéosynthèse.
- Chirurgie articulaire sans prothèse.
- Exérèse de kyste.
Chirurgie du rachis
Sont exemptes d’antibioprophylaxie toutes les chirurgies rachidiennes ne nécessitant pas la pose de matériel et les ablations de matériel d’ostéosynthèse.
Traumatologie
Traumatologie sans ouverture cutanée
Molécules et dosage
- Céfazoline 2g IVL tant que l’IMC est inférieur à 50.
- En cas d’allergie : clindamycine 900mg IVL.
Chirurgies exemptes d’antibioprophylaxie
- Ostéosynthèse par fixateur externe.
- Ostéosynthèse par brochage percutané.
Traumatologie avec ouverture cutanée
Plaies et fractures ouvertes hors pathologies de la main
- Fracture ouverte Gustilo 1 : céfazoline 2g IVL.
- Fracture ouverte Gustilo 2 ou 3 : augmentin 2g IVL ou céfazoline 2g IVL. associée à de la centamycine 6 à 7mg/kg.
- Plaie à risque de contamination tellurique et/ou fécale, plaie articulaire, morsure : augmentin 2g IVL.
- Plaie articulaire : céfazoline 2g IVL.
- Autres plaies des parties molles : pas d’antibioprophylaxie.
En cas d’allergie : clindamycine 900mg IV + gentamycine 6 à 7mg/kg.
Traumatismes ouverts de la main
- Plaies de la main, quels que soient leur localisation et leur degré de souillure sans fracture associée : pas d’antibioprophylaxie
- Fracture ouverte, écrasement de la main, plaie par balle, traumatismes complexes justifiant une chirurgie de plus de 2 heures : augmentin 2g IVL ou céfazoline 2g IVL + gentamycine 6 à 7mg/kg.
En cas d’allergie : clindamycine 900mg IV + gentamycine 6 à 7mg/kg.
La prise en charge d’une infection nosocomiale
La prise en charge d’une infection nosocomiale est à la fois simple et difficile. Elle obéit à certaines règles qu’il ne faut pas non plus transgresser.
Les infections aiguës précoces
Concernant les infections aiguës précoces, à moins d’un mois de la chirurgie, il faut :
- Réagir en acceptant la complication infectieuse sans "faire la politique de l’autruche" et reconvoquer le patient tous les deux jours pour contrôler l’état cutané. Une intervention chirurgicale s’impose dans les plus brefs délais.
- Réfléchir, oui, mais ne pas réfléchir seul. Il faut se rapprocher d’un infectiologue et d’un CRIOA afin d’avoir la conduite médicale à tenir en termes de prescription d’antibiothérapie postopératoire probabiliste et secondairement l’antibiothérapie la plus adaptée possible à réception de l’antibiogramme.
- Avertir enfin son patient. Il n’est pas rare en expertise que le patient ne comprenne que plusieurs mois après, ou parfois même uniquement lors de la demande de son dossier médical, qu’il a contracté une infection nosocomiale avec le fameux légendaire staphylococcus aureus qui fait la joie des journalistes !
Les infections chroniques
Dans les infections chroniques, en pratique libérale il faut savoir "passer la main" et adresser son patient à un centre de référence en matière d’infection ostéo-articulaire.
Cependant, cette passation de pouvoir doit se faire en restant proche du patient, en prenant régulièrement de ses nouvelles, en passant le voir au CHU.
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Nous acceptons les erreurs, les complications, les maladresses dont nous sommes victimes dans la vie courante dès lors que le ou les responsables font leur mea culpa. Il en est de même pour les patients qui, lorsqu’ils sont adressés dans un autre établissement de santé, se considèrent comme abandonnés par le chirurgien qui "méprise" leurs cas.