Dossier médical en santé au travail : par qui et pour qui ?
Le dossier médical en santé au travail doit être créé (sous format numérique) pour tout travailleur bénéficiant d’un suivi individuel de son état de santé dans un service de prévention ou de santé au travail.
La création et l’alimentation de ce dossier peuvent être assurées par :
- un médecin du travail,
- un collaborateur médecin en formation pour obtenir cette qualification,
- un infirmier du travail,
- un interne en médecine du travail,
- un intervenant en prévention des risques professionnels,
- un assistant de service de prévention et de santé au travail.
Pour ces deux dernières catégories, l’alimentation du dossier se fait par délégation du médecin du travail et sous sa responsabilité.
Quel contenu pour le dossier médical en santé au travail ?
Toutes les informations importantes pour le suivi du travailleur doivent être consignées. Le dossier, constitué pour chaque salarié, comporte les éléments suivants :
Des données administratives
- fiche d’identification du salarié,
- identification de l’entreprise.
Des données sur les risques actuels ou passés d’exposition à un risque professionnel
- postes occupés successivement par le salarié,
- éléments relatifs au poste de travail, et notamment les risques et dangers qui y sont liés,
- attestation d’exposition, le cas échéant,
- mesures de prévention mises en place.
Des données personnelles de santé
- informations relatives à l’état de santé recueillies lors des visites et examens réalisés au cours du suivi individuel ;
- antécédents personnels ;
- correspondances échangées entre professionnels de santé pour la continuité de la prise en charge ;
- attestations et avis du médecin du travail lors de l’embauche ou l’adaptation du poste de travail ou les mesures individuelles prises.
À savoir
La HAS a publié le 16 mars 2023 des "Recommandations de bonnes pratiques au sens de l’article L.1111-5 du Code de la santé publique" portant sur les "Catégories d’informations susceptibles d’être intégrées dans le volet santé au travail du dossier médical partagé".
Dossier médical en santé au travail : quelle traçabilité ?
Toute action dans le cadre de la santé au travail doit être tracée et conservée dans le dossier, avec mention de la date et de l’heure.
L’auteur doit en être identifié.
Le dossier est conservé soit :
- dans le service de prévention et de santé au travail qui a recueilli les informations, avec la garantie d’une totale confidentialité pour le respect du secret médical ;
- chez un hébergeur agréé.
Qui peut accéder au dossier médical en santé au travail ?
La question est régie par l’article R. 4624-45-8 du code du travail. Peuvent accéder au dossier :
- le travailleur lui-même ;
- en cas de décès de celui-ci, toute personne autorisée selon les articles L. 1110-4 et L. 1111-7 du code de la santé publique, c’est-à-dire les ayants- droit, le concubin ou le partenaire de PACS du travailleur. Bien que le décret ne le précise pas, on peut supposer que, comme le veut le principe général, seules les informations du dossier poursuivant l’un des trois objectifs visés à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique (connaître les causes de la mort, faire valoir un droit ou défendre la mémoire du défunt) peuvent être transmises à l’ayant droit ;
- le médecin traitant du travailleur.
Le décret est muet sur les conditions matérielles d’accès du travailleur qui en fait la demande mais, là encore, il est possible de s’inspirer du cadre général.
Quelles sont les informations du dossier qui peuvent être transmises ?
Tous les éléments du dossier sont communicables au travailleur, sauf les informations mettant en cause des tiers ou recueillies auprès de tiers (à noter que ces informations sont en revanche communicables à un médecin si elles sont strictement nécessaires à la continuité du suivi).
Avant le décret, il était considéré que les informations pouvant dévoiler un secret de fabrique ou des informations confidentielles concernant l’entreprise ne pouvaient être transmises au travailleur. Le décret ne reprend pas ce point.
Enfin, comme pour tout dossier médical, les notes personnelles du médecin, qui ne sont pas destinées à être conservées car ne pouvant être considérées comme contribuant à l’élaboration et au suivi du diagnostic, n’ont pas à être transmises.
Le travailleur peut-il s’opposer à la transmission de son dossier médical en santé au travail ?
Le travailleur ne peut s’opposer ni à la création d’un dossier médical de santé au travail, ni à l’accès du médecin du travail aux informations qu’il contient.
En revanche, il peut s’opposer à ce qu’un accès à son dossier médical de santé au travail soit ouvert :
- au médecin praticien correspondant ou aux professionnels chargés d’assurer, sous l’autorité du médecin du travail, le suivi de son état de santé ;
- aux professionnels chargés du suivi de son état de santé, s’agissant des dossiers médicaux en santé au travail dont il est titulaire et qui sont détenus par d’autres services de prévention et de santé au travail. C’est le cas par exemple lorsqu’un travailleur relève de plusieurs services de prévention et de santé au travail ou change de service. La transmission ne sera pas automatique, dès lors que le travailleur aura exprimé son opposition lors de la création du dossier.
Quels liens entre dossier médical en santé au travail et DMP ?
L’intégration de certaines données du dossier médical de santé au travail dans le DMP
La loi du 2 août 2021 a prévu l’intégration de certaines données issues du dossier médical de santé au travail dans le dossier médical partagé (DMP). Il s’agit notamment de tous les éléments qui sont nécessaires au développement de la prévention et à la coordination, à la qualité et à la continuité des soins. Ces éléments doivent faire l’objet de recommandations de bonne pratique de la Haute autorité de santé.
Mais attention...
Cette intégration n’est pas automatique. Le travailleur doit avoir donné son accord après avoir été informé.
L’accès du médecin du travail au DMP
La loi autorise désormais l’accès du médecin du travail au DMP, à condition toutefois que le travailleur ne s’y soit pas opposé.
Combien de temps les données du dossier de santé au travail doivent-elles être conservées ?
Avant la loi et le décret, les dossiers de santé au travail répondaient aux règles générales posées par l’article R. 1112-7 du code de la santé publique. Ils devaient être conservés pendant 20 ans à compter de la dernière consultation.
Certains cas particuliers, nécessitant une surveillance médicale renforcée, faisaient exception :
- exposition à des agents biologiques pathogènes : 10 ans après cessation de l’exposition ;
- exposition à des agents chimiques dangereux et cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction : au moins 50 ans après la fin de l’exposition ;
- exposition à des rayonnements ionisants : au moins 50 ans après la fin de l’exposition ;
- en milieu hyperbare : au moins 20 ans ;
- exposition à l’amiante : 50 ans après la fin de l’exposition.
Le décret du 15 novembre 2022 pose de nouvelles règles. Le dossier est désormais conservé :
- pendant 40 ans à compter de la date de la dernière visite ou du dernier examen du titulaire au sein du service de prévention et de santé au travail concerné ;
- dans la limite d’une durée de 10 ans à compter de la date du décès de la personne titulaire du dossier.
Ces délais peuvent être suspendus dès lors qu’un recours gracieux ou contentieux est introduit pour mettre en cause la responsabilité médicale du service ou de professionnels de santé.
Dans les cas où, avant le décret, la durée de conservation excédait 40 ans (par exemple 50 ans en matière d’exposition à des agents chimiques dangereux), c’est l’ancienne durée qui prévaut. La conservation du dossier est donc prorogée au-delà du nouveau délai.
À quels dossiers de santé au travail les nouvelles dispositions s’appliquent-elles ?
Le décret opère une distinction selon que le travailleur était ou non déjà suivi en service de santé au travail à sa date de publication, et s’il l’est toujours ensuite.
- Dossiers de santé au travail constitués après publication du décret (17 novembre 2022) : logiquement, les dispositions du décret s’appliquent.
- Dossiers de santé au travail déjà constitués à la date de publication du décret, avec des travailleurs toujours suivis en service de santé : les dossiers sont mis en conformité avec les dispositions du décret relatives à la constitution et au contenu du dossier au plus tard le 31 mars 2023.
- Dossiers de santé au travail déjà constitués à la date de publication du décret, avec des travailleurs qui ne sont plus suivis en service de santé : ils restent régis par les dispositions antérieures, à l’exception toutefois de celles relatives à la communication, à l’hébergement et à la conservation des dossiers.
Que faut-il retenir de ce décret ?
- La loi du 2 août 2021 et son décret d’application du 15 novembre 2022 modifient les règles en matière de constitution, conservation, hébergement et accessibilité du dossier médical en santé au travail. En particulier, le décret fixe à 40 années la durée plancher de conservation des éléments du dossier.
- Son application est immédiate et s’étend aux dossiers constitués avant sa publication dès lors que le travailleur reste suivi par un service de prévention ou de santé au travail. Les dispositions spécifiques relatives à la communication, à l’hébergement et à la conservation s’appliquent à tous les dossiers médicaux en santé au travail, déjà existants comme futurs, que le salarié soit toujours suivi ou non.