Le pneumothorax : une complication sévère de l'acupuncture encore négligée
En mars 2018, un article de Marc Gozlan, médecin et journaliste médical au Monde rapportait la publication récente dans un journal danois d’un cas de pneumothorax bilatéral survenu au décours d’une séance d’acupuncture chez un adolescent sportif de 16 ans ne présentant aucun facteur de risque particulier et d’évolution favorable après drainage.
L’auteur soulignait la rareté des publications sur cette complication, notamment en France (1 cas publié en 2003 chez une femme de 25 ans victime d’un pneumothorax bilatéral et d’une tamponnade).
Ce que venait d’ailleurs confirmer une étude publiée en 2016 par des médecins chinois portant sur tous les cas publiés dans la littérature depuis 1956. On ne retrouvait, dans les principales bases de données, que 77 articles référencés dont 37 publiés par des équipes chinoises, et au total 179 cas de pneumothorax seulement rapportés…
Une des conséquences en étant pour les auteurs que "de nombreux médecins et étudiants en médecine, en particulier ceux qui ont appris la médecine occidentale, ne connaissent pas le pneumothorax induit par l’acupuncture dans la mesure où ils pensent que celle-ci est sûre et ne s’accompagne pas de sévères effets indésirables"…
Typologie des sinistres déclarés par nos sociétaires qui pratiquent l'acupuncture
Une revue des déclarations d’accidents entre 2009 et 2018 mettant en cause nos sociétaires pour une complication au décours de séances d’acupuncture.
On identifiait au total 16 déclarations*, parmi lesquelles 4 cas de pneumothorax :
- Les victimes de ces 4 cas de pneumothorax étaient majoritairement des femmes (3 cas), respectivement âgées de 61, 42 et 41 ans, la victime masculine ayant elle 19 ans.
- Elles étaient de corpulence plutôt mince, voire maigre dans deux cas.
- Dans un seul cas, un emphysème était noté.
- Le pneumothorax était unilatéral dans les 4 cas.
- L’évolution avait été favorable de manière spontanée après surveillance en secteur hospitalier dans la moitié des cas, mais avait nécessité la mise en place d’un drainage dans deux cas.
- Pour mémoire, dans une seule de ces affaires une expertise avait été ordonnée, au décours de laquelle il avait été fort heureusement conclu au caractère aléatoire de la complication survenue.
*Les autres déclarations faisaient état de cas d’infections (3), douleurs ou brûlure (3), de chutes traumatiques (3) et d’oubli d’aiguilles (2).
Que peut-on retenir de ces données ?
Certainement déjà que l’acupuncture n’est pas exempte de risques, comme le laisse croire la presse non spécialisée, et notamment de risques graves.
En effet, le dernier rapport de l’INSERM en date de 2014 sur "l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité de l’acupuncture", avançait après revue de la littérature une prévalence des effets indésirables graves de l’ordre de 0,55 pour 10 000 patients traités.
Les "complications graves" répertoriées étaient variées : majoritairement infectieuses (dont aortite septique, endocardite, abcès épiduraux, spondylodiscites) mais aussi respiratoires (pneumothorax), cardiovasculaires, neurologiques.
Leur imputabilité à l’acupuncture n’était cependant pas toujours démontrée… Ce qui amenait finalement les auteurs du rapport à considérer les descriptions de complications graves comme "anecdotiques" malgré leur gravité et à conclure "les risques d'effet indésirables graves semblent extrêmement limités, du moins dans le contexte occidental d'un exercice bien contrôlé".
L'acupuncture, une pratique médicale très réglementée
Pour autant, comme on l’a vu au travers de nos déclarations, ces complications existent et peuvent être à l’origine de procédures.
Il faut donc sans doute rappeler, qu’en France, si l’acupuncture est reconnue non pas comme une spécialité médicale mais comme une "orientation" médicale, elle ne peut cependant être exercée en France que par un professionnel de santé (médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme) sous réserve d’une formation obtenue lors d’un DU ou d’une capacité, dans un cabinet médical ou dans un établissement de santé.
Ainsi, il est rappelé dans une fiche faisant le point sur l’acupuncture que "les personnes n’appartenant pas au corps médical et pratiquant l’acupuncture peuvent être poursuivies pour exercice illégal de la médecine".
Le matériel utilisé doit être naturellement stérile, à usage unique, les procédures de désinfection des mains comme les précautions recommandées en matière de choix d’aiguille, d’obliquité... respectées. Le principal risque demeure le risque infectieux.
Tout manquement aux règles de bonne pratique pourrait naturellement emporter la responsabilité du professionnel de santé.
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Ce, d’autant que cette même fiche rappelle, qu’à ce jour, malgré la publication de milliers d’articles sur le sujet, l’efficacité de l’acupuncture n’ait pu être scientifiquement démontrée que dans de rares indications en traitement des :
- douleurs chroniques ;
- nausées et vomissements (en période postopératoire, liés à la grossesse ou provoqués par une chimiothérapie anticancéreuse).
Qu'en est-il de l'information au patient sur les risques liés à l'acupuncture ?
Le praticien qui pratique l’acupuncture doit-il ou non informer son patient de la possible survenue de complications ?
Celles-ci peuvent parfois être graves, comme le pneumothorax, alors que l’information semble souvent limitée aux réactions douloureuses que peut entraîner la séance… La question reste donc posée.