Algies vasculaires faciales (AVF) : symptômes, diagnostic et traitement
La face est le support sensoriel le plus riche du corps. Le nerf trijumeau est responsable de son innervation sensitive.
Les céphalées, douleurs ou algies du visage sont fréquentes et leur étiologie variée : du simple mal de tête à la migraine en passant par l'algie vasculaire de la face.
On distingue deux grands types de douleurs aiguës de la face :
- Les névralgies essentielles ou idiopathiques,
- Les névralgies symptomatiques.
Parmi les premières, deux sous-groupes se retrouvent : les algies vasculaires faciales (AVF) et les névralgies essentielles du trijumeau.
L'AVF est décrite comme une céphalée primaire sans lésion sous-jacente dont la prévalence est faible : à 0,5 %.
Contrairement à la névralgie essentielle du trijumeau qui touche plutôt les femmes âgées de plus de 50 ans, l'AVF touche quant à elle des sujets plutôt jeunes de sexe masculin (sexe ratio homme/femme = 4).
Symptômes
Les patients atteint d'algies faciales présentent
- une douleur strictement unilatérale quotidienne de durée brève : 15 minutes à 3 heures sur plusieurs semaines ;
- près d'un œil, du nez ou de la tempe ;
- accompagnée de signes végétatifs homolatéraux à type de larmoiement, rougeur conjonctivale, obstruction nasale souvent suivie de rhinorrhée ;
- un fréquent état d'agitation, contrairement aux migraineux qui se montrent plutôt anéantis, abattus.
Elle est parfois comparée à un broiement ou à une brûlure importante.
Diagnostic
Compte tenu des incertitudes quant à l'origine de cette affection et aux signes cliniques trompeurs, le diagnostic est souvent compliqué à établir.
On estime d'ailleurs le retard diagnostic moyen à 10 ou 15 ans. En effet, les examens cliniques et radiographiques restent normaux, le diagnostic ne peut alors se faire que sur interrogatoire du patient après avoir écarté toutes les autres causes possibles.
Traitement
Le traitement de crise est efficace mais, pour cela, le diagnostic doit avoir été posé.
Les traitements de la migraine classique sont inefficaces ; seuls le Sumatriptan injectable et l'oxygénothérapie au masque ont des effets positifs.
La recherche d'un "coupable"... mais le lien de causalité reste essentiel
L’AVF est parfois surnommée la "migraine suicidaire" ou "cluster headache" pour "migraine en salves", tant les souffrances sont importantes.
Le fait de ne pas en connaître les causes exactes conduit bien souvent les patients à rechercher un responsable ayant traité une zone proche du visage.
Dans ce contexte, une simple concomitance entre un acte de soins dentaires et le début des crises suffit à mettre en marche le processus de mise en cause de nos sociétaires.
Pour rappel, la loi du 4 mars 2002 précise que la responsabilité civile professionnelle d’un professionnel de santé ne peut être retenue que s’il existe une faute, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage.
Le manquement du praticien doit avoir directement et de façon certaine engendré le dommage du patient.
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Dans le cas des algies faciales, il n’y a en principe ni imputabilité médicale, ni lien de causalité.
Il peut exister une faute (insuffisance d’un soin endodontique par exemple) mais cette faute restera sans conséquence sur l’apparition des douleurs.
La concomitance n’est donc ni imputabilité ni causalité.
Deux aspects sont à distinguer :
- Les cas où le praticien a réalisé un acte indiqué selon les règles de l’art et où les algies faciales apparaissent quelques temps après ou avant ce soin.
- Les cas où le praticien, face aux demandes expresses du patient qui souffre, réalise des soins qui ne sont, in fine, plus indiqués.
De par le caractère rare de ces affections, il existe moins d’un sinistre par an géré par les juristes de la MACSF.
Les mises en cause de nos praticiens pour des algies faciales constituent souvent des dossiers favorables puisque, dès le stade du rapport d’expertise judiciaire, le lien de causalité est écarté et, par voie de conséquence, la responsabilité du praticien.
Cependant, ces dossiers ne se terminent généralement pas au cours d’une procédure amiable et les patients ont du mal à supporter l’idée qu’un soin pratiqué quelques temps avant l’apparition des douleurs, n’a aucun rapport avec celles-ci.
Le domaine du rationnel est abandonné pour celui du ressenti.
Les cas suivants permettront d'illustrer ce propos.
Cas n° 1 : algies apparues après traitement endodontique
Notre sociétaire pratique un traitement endodontique sur une dent nécrosée n° 16 en mars 2000.
Quelques jours plus tard, le patient se plaint des premiers signes d’algies faciales.
Il met en cause le chirurgien-dentiste devant les tribunaux et une expertise judiciaire est diligentée.
Les soins sont dits "conformes aux données acquises de la science" et ne sont manifestement pas la cause des douleurs subies. L’expert s’interroge même sur la date exacte de début de ces douleurs qui pourraient être la cause de la consultation initiale.
Le patient, ne se satisfaisant pas de ces conclusions, assigne au fond le praticien pour voir reconnaître par les tribunaux son droit à indemnisation.
TGI de Besançon, 5 avril 2011 : les juges, se basant sur les conclusions de l’expert, déboutent le patient de ses demandes indemnitaires.
Le patient, pour avoir assigné au fond malgré un rapport judiciaire clair, précis, sans ambigüité et non susceptible d’interprétation, est condamné à verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 (frais de justice engagée par la partie adverse).
Cas n° 2 : algies aggravées par un dépassement de pâte
Une patiente présente depuis un mois des douleurs sur le côté gauche du visage au regard du maxillaire inférieur. Notre sociétaire réalise des soins conservateurs fin 2008, notamment une extraction et un soin endodontique sur les racines d’une dent, au cours duquel il provoque un dépassement de pâte d’obturation.
Le dépassement n’est pas très important mais la patiente subit des douleurs irradiantes dans l’hémiface gauche qu’elle impute immédiatement à l’extraction et à ce soin.
Elle prend contact avec le Conseil de l’Ordre, puis la CCI (Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux).
Le rapport d’expertise de la CCI souligne que les soins étaient indiqués, que le dépassement était limité et ne pouvait entraîner de lésion du nerf maxillaire. La pathologie sinusienne est également écartée.
Les experts ne retiennent pas l’imputabilité de la douleur chronique à ce dépassement ni à l’extraction et la CCI suit cette position.
La patiente, en situation de détresse, assigne le praticien devant le TGI mais elle est déboutée compte tenu du rapport des experts de la CCI.
L’inquiétude demeure cependant qu’un juge particulièrement favorable à l’indemnisation du patient ne verse tout de même des indemnisations par souci d’humanité.
En effet, les patients souffrant d’algies faciales ont souvent des dépenses liées à leur douleur : consultations au centre anti-douleurs, prise d’antalgiques, acupuncture, hypnose et toute autre forme de soins leur donnant l’espoir de faire disparaître les signes de la maladie.
Cas n° 3 : les soins inadaptés pour tenter de traiter la douleur du patient
Lorsque les douleurs précèdent les soins dentaires, devant la souffrance du patient dont on ne parvient pas à déterminer médicalement l’origine et ses demandes répétées d’interventions, certains praticiens acceptent de réaliser des soins pourtant peu ou non indiqués : extraction de dents, dévitalisation…
En tant que sachant, le praticien doit pourtant ne réaliser que les soins utiles et médicalement nécessaires.
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Suite à un soin canalaire, une patiente présente des douleurs irradiantes sur une partie du visage.
Une expertise amiable est diligentée. Le rapport met en avant l’existence de défauts dans la qualité des soins pratiqués par notre sociétaire.
Une résection apicale est donc réalisée.
Cependant, devant la persistance des douleurs, la dent est finalement, en dernier recours, extraite par le praticien.
La patiente précise ne connaître aucune différence dans l’intensité de ses douleurs avant et après cette extraction.
Cette dernière a eu lieu alors même qu’aucun signe ne laissait penser que la dent était à l’origine de la douleur. Les signes cliniques et les examens radiographiques laissaient présager l’existence d’AVF.
Le soin litigieux initial est immédiatement mis en cause, mais également l’extraction d’une dent saine non justifiée médicalement.
Le défaut dans le soin canalaire n’a eu comme conséquence que la nécessité de pratiquer la résection apicale sur la dent.
En revanche, l’extraction non médicalement justifiée d’une dent saine conduira à l’indemnisation d’un déficit fonctionnel permanent pour la perte d’un organe sain ou à la prise en charge des honoraires de remplacement de la dent (implant).
À retenir
Ces 3 exemples mettent en relief les difficultés des chirurgiens-dentistes face à des douleurs atypiques de la face dont l’étiologie reste floue.
Il est donc fondamental de poser tout diagnostic en ayant auparavant correctement interrogé son patient sur la description de sa douleur, tout en gardant en mémoire qu’en tant que professionnel de santé et donc sachant, il appartient au praticien de refuser les demandes pressantes d’un patient pour des actes ne lui paraissant pas médicalement nécessaires.