Une indication contestée
Mme X. subit une première intervention de Longo en 2021 pour des hémorroïdes de grade III.
Suite à la persistance du prolapsus, le Dr Y. décide de réaliser une seconde intervention par la technique de Longo environ 10 mois plus tard.
Cette réintervention provoque une perforation rectale, qui conduit à une péritonite stercorale nécessitant une sigmoïdostomie en urgence avec colostomie. La colostomie sera fermée cinq mois plus tard.
Notre analyse initiale du dossier de plainte en CCI concluait à un geste conforme, avec une complication exceptionnelle (moins de 1% dans la littérature). De fait, aucune recommandation ne déconseille de faire deux fois l’intervention de Longo.
Se posait toutefois la question de traiter le prolapsus par technique d’agrafage interne, alors qu’une intervention de Milligan-Morgan de résection sous-muqueuse par abord externe semblait plus adaptée. Ces craintes étaient justifiées, car l’expert concluait justement dans son rapport que l’intervention de Milligan-Morgan "ne peut jamais entraîner de péritonite stercorale ni de perforation rectale". De cette conclusion, découlait, toujours selon l’expert, un probable défaut d’information avant la seconde intervention.
L'analyse de la Commission de Conciliation et d'Indemnisation (CCI) a mis en évidence plusieurs fautes :
- Une indication non justifiée de la réintervention : l'absence de rectorragie aurait dû faire privilégier une autre approche comme la technique de Milligan-Morgan ou un traitement non chirurgical (ligature élastique, infra-rouges).
- Un défaut d'information de la patiente : Mme X. n'a pas été informée des risques de perforation rectale ni des alternatives possibles.
- Une erreur technique : une "prise" trop profonde des tuniques rectales a été identifiée comme cause probable de la perforation.
Indications et contre-indications de la technique de Longo
Selon la Société nationale de colo-proctologie, la technique de Longo est indiquée pour les hémorroïdes internes prolabées exclusives, ou associées à des hémorroïdes externes de grade II ou III.
Certaines situations cliniques doivent faire renoncer à cette technique au profit d'autres options chirurgicales ou non chirurgicales :
- Absence de rectorragie et présence d'un simple prolapsus muco-hémorroïdaire persistant.
- Hémorroïdes prédominantes en externe (où une intervention de Milligan-Morgan est plus adaptée).
- Antécédent de chirurgie anorectale complexe.
- Troubles de la coagulation ou pathologies inflammatoires du rectum.
- Troubles pré-existants de la continence.
Conseils de bonne pratique pour éviter les complications
Sélection rigoureuse des patients
L'indication chirurgicale doit être clairement posée en fonction du stade des hémorroïdes et des symptômes présentés. Une réintervention doit être évaluée avec prudence, en privilégiant les alternatives moins invasives.
Maîtrise technique
- Veiller à une bonne exposition du rectum lors de l'intervention.
- Réaliser une prise correcte des tuniques rectales afin d'éviter une perforation.
- S'assurer du bon positionnement de l'agrafeuse circulaire et de l'homogénéité de la résection.
Information préopératoire
Les patients doivent recevoir une information claire et loyale sur les risques de l'intervention, notamment la perforation rectale et la péritonite stercorale, même si ce risque est rare (moins de 1%). Ils doivent aussi être informés des alternatives existantes.
Suivi postopératoire rigoureux
- Une surveillance attentive des symptômes digestifs (douleurs intenses, vomissements, signes infectieux) est essentielle.
- Un diagnostic précoce des complications permet une prise en charge rapide et limitant les séquelles.
À retenir
La technique de Longo constitue une approche efficace du traitement des hémorroïdes internes prolabées, mais elle n'est pas exempte de risques. L'affaire de Mme X. illustre les conséquences d'une mauvaise indication, d'un défaut d'information et d'une erreur technique.
Une application rigoureuse des recommandations permet de minimiser les complications et d'assurer une prise en charge conforme aux bonnes pratiques chirurgicales, mais le bon sens prévaut également. L’absence ici de recommandation claire ne dispensait pas le chirurgien d’une certaine "sagesse" dans sa réflexion.