Pose d'une prothèse totale de hanche à droite alors qu'elle aurait dû être posée à gauche...
Un patient présentant une coxarthrose bilatérale est adressé par son médecin traitant à notre sociétaire, chirurgien orthopédique. À l’issue de la consultation, et au vu de l’histoire de la maladie et du caractère plus douloureux du côté gauche, il est décidé d’une intervention de pose de prothèse totale de hanche à gauche.
Un mois plus tard, le patient est vu en consultation d’anesthésie où un consentement est signé pour une "PTH côté gauche". Un bilan radiologique est également réalisé.
Le jour de l’intervention, le patient est installé sur la table orthopédique avec traction par le chirurgien lui-même avant qu’il ne s’absente pour régler "des problèmes urgents dans le service". C’est la panseuse qui réalise le badigeonnage et installe les champs stériles avant que le chirurgien ne revienne au bloc et incise le côté droit préparé par erreur.
Le compte rendu opératoire mentionne : "Mise en place d’une prothèse totale de hanche droite. Anesthésie loco-régionale par rachianesthésie. Vérification de la check-list. Installation côté droit (…)". Les suites opératoires sont simples.
Cinq mois plus tard, une prothèse de hanche est finalement posée côté gauche par un autre chirurgien orthopédique.
Une urgence dans le service ne justifie pas l'erreur de côté du chirurgien !
Le patient victime d’une erreur de côté saisit les juridictions judiciaires en réparation du préjudice subi. Une expertise est ordonnée et conclut à un manquement évident de la part du personnel médical et paramédical dans la prise en charge du patient, matérialisé par une erreur de côté flagrante non récupérée.
L’expert rappelle que la coxarthrose gauche est inscrite dans les observations médicales du chirurgien et de l’anesthésiste. Il ajoute que ce côté gauche est régulièrement noté dans tous les documents, dont la feuille de surveillance post-interventionnelle et la check-list signée, au terme de l’intervention et non au moment de l’incision, par le chirurgien, l’anesthésiste et la panseuse.
En ce sens, il retient une faute :
- de la panseuse qui, en l’absence du chirurgien, a badigeonné et installé les champs stériles sur le côté opposé, côté droit ;
- du chirurgien qui a opéré le mauvais côté alors qu’il avait réalisé la mesure radiologique (par calques) avant l’intervention et demandé au patient quel côté opérer (sans réaliser malgré cela qu’il était en train d’opérer le mauvais côté…) ;
- du médecin anesthésiste, qui n'a pas relevé l’erreur de côté pourtant renseignée dans de nombreux documents dont le compte rendu de la consultation d’anesthésie.
Dans leur jugement, les magistrats retiennent un partage de responsabilité entre :
- le chirurgien orthopédique (50%),
- le médecin anesthésiste (30%),
- l’établissement de santé, du fait de la faute commise par la panseuse (20%).
S’agissant notamment du chirurgien, les juges rappellent que le fait d’avoir été appelé "en urgence" dans les étages pendant son temps opératoire ne justifie aucunement son erreur de côté lors de la pose de la prothèse totale de hanche…
Etant donné l’état de santé antérieur du patient qui aurait dû être opéré à droite à plus ou moyen terme, le montant de l’indemnisation accordée est relativement faible.
L'erreur de côté ou de site opératoire est un événement indésirable grave évitable qui ne devrait jamais se produire
À partir de son Observatoire du risque médico-juridique en orthopédie et traumatologie, hors rachis, recensant l’ensemble des dossiers ouverts sur la période 2016-2023 et représentant un échantillon de 1 952 réclamations, la MACSF relève 13 dossiers fautifs relatifs à une erreur de côté ou de site opératoire suite à un acte de chirurgie orthopédique :
- Le membre inférieur est principalement concerné avec 11 dossiers, dont 6 genoux. Le membre supérieur ne concerne que 2 dossiers sur la main.
- Les interventions durant lesquelles des erreurs de côté ou de site opératoire se sont produites sont diverses : arthrodèse (3), arthroscopie (2), ligamentoplastie (2), doigt à ressaut (2), arthroplastie (1), cure d’ongle incarné (1), kystectomie (1) et décompression articulaire par forage comblement (1).
- La responsabilité de nos sociétaires a été retenue dans 11 de ces dossiers et 2 sont en cours avec un rapport d’expertise défavorable, en attente d’un jugement civil.
- Le principal manquement retenu suite à une erreur de côté ou de site opératoire est la maladresse technique et dans quelques dossiers il peut être retenu un défaut de prise en charge préopératoire.
La check-list, un outil indispensable
Si aucun texte législatif ou règlementaire ne traite spécifiquement de cette question, le rappel du côté à opérer fait partie intégrante de la check-list "Sécurité du patient au bloc opératoire" issue de recommandations de la HAS.
Dans son point 2, intitulé "Nature de l’intervention et site opératoire", la HAS préconise qu’une confirmation soit demandée au patient sur la nature de l’intervention et sur le site opératoire. Une vérification doit être, dans tous les cas, effectuée, à travers le dossier ou par toute autre procédure en vigueur dans l’établissement ou recommandée par les collèges professionnels de la spécialité.
De plus, dans sa version 2018, la check-list propose un encadré dédié à la traçabilité de la décision finale prise : "Go" ou "No Go". Cet encadré est à remplir à la fin des deux temps de pause proposés dans la check-list, une fois que toutes les étapes précédentes ont été validées (avant induction anesthésique et avant intervention chirurgicale).
Cette ultime précaution vise à proposer un bilan de vérification préopératoire de tous les éléments qui concourent au bon déroulement de l’acte chirurgical et à permettre que l’intervention se déroule dans des conditions optimales.
Crédit photo : BELMONTE / BSIP