Erreur de prescription : une erreur évitable qui engage la responsabilité de celui qui la commet
Les erreurs de prescription ne sont pas légion, du moins d’après le rapport annuel de la MACSF. Il est vrai que :
- toutes ne sont pas déclarées ;
- certaines sont immédiatement repérées et corrigées ;
- d’autres n’entraînent pas de préjudices ou de réclamations de la part des patients.
Pour autant, certaines erreurs de prescription sont lourdes de conséquences, ce qui est d’autant plus dommageable qu’elles sont par définition évitables.
Parmi celles qui nous sont déclarées chaque année à la MACSF, la plus récurrente concerne sans doute la prescription de méthotrexate (MTX). Si dans la majorité des cas que nous avons eu à instruire, l’erreur "classique" portait sur le nombre de prises, avec des administrations quotidiennes au lieu d’hebdomadaires, le cas que nous allons décrire est particulier et caricatural. Car, non pas une mais deux erreurs de posologie vont s’enchaîner chez la même malade.
Une erreur de prescription lors de deux renouvellements mais sans conséquence
Un sociétaire généraliste a fait l’objet d’une réclamation suite à une erreur de saisie informatique lors de la prescription de méthotrexate. L’histoire est la suivante.
Trois semaines après son hospitalisation en cardiologie, une femme âgée de 83 ans consulte notre sociétaire, son médecin traitant, pour le renouvellement de ses traitements comportant notamment du MTX prescrit par son rhumatologue pour une polyarthrite évoluant depuis 30 ans.
L’ordonnance qu’il lui remet est cette fois erronée. Elle indique : "METHOTREXATE (sodique) 50 mg/ml sol injectable seringue pré remplie (METHOTREXATE ACCORD 50 mg/ml S inj en seringue pré remplie Ser/0,50ml+Aig) : 1 mg (voie parentérale) le matin 1 fois par semaine pendant 3 mois".
Cette erreur a été rendue possible en l’absence de relecture par le praticien qui connaissait pourtant parfaitement la dose requise, ayant déjà renouvelé à maintes reprises le traitement chez cette patiente.
Il la revoit le mois suivant, en mars, pour l’adaptation de son traitement à visée cardiologique, lui prescrivant alors de l’hémigoxine pour ralentir son AC/FA, conformément aux recommandations de son cardiologue.
En août, la patiente consulte cette fois la remplaçante pour le renouvellement de l’ensemble de ses traitements. Remplaçante qui reproduit à l’identique la prescription de notre sociétaire, prescrivant donc de nouveau 1 mg de MTX par semaine au lieu des 15 mg requis.
En septembre, la patiente consulte notre sociétaire avec les résultats d’un bilan biologique montrant une discrète cytolyse hépatique qui est possiblement mise en relation avec l’insuffisance cardiaque chronique, en l’attente de la réalisation de l’échographie abdominale prescrite.
Une deuxième erreur de prescription renouvelée 4 fois, entraînant le décès
Finalement, l’état cardiaque de la patiente se dégradant, elle est admise en cardiologie en clinique pendant une semaine, puis en maison de repos où elle reste un peu plus de 3 semaines.
Durant cette période, elle reçoit donc chaque semaine une injection de MTX mais cette fois à la dose de… 50 mg/semaine au lieu des 15 mg requis !
Trois jours après la dernière injection, une NFS est demandée en raison de la dégradation de l’état général de la patiente, qui met en évidence une aplasie. Et quelques jours plus tard, la patiente décède dans le contexte d’un sepsis.
L'erreur a été rendue possible par la méconnaissance du produit par le cardiologue, auteur de la prescription initiale lors de l’admission et… sa reproduction à l’identique par tous les praticiens ultérieurement prescripteurs, aucun ne s’étonnant de la dose prescrite et ne prenant soin de la vérifier dans le Vidal.
Tous coupables mais pas tous responsables
Dans cette affaire, nous avons été saisis d’une réclamation par la famille et avons privilégié l’organisation d’une expertise amiable, en accord avec les principaux intéressés.
Cette expertise a mis plusieurs points en lumière :
- Si l’erreur de posologie commise par notre sociétaire est incontestable, comme lui-même l’a d’ailleurs reconnu en temps réel, cette erreur est en revanche restée, par chance, sans aucune conséquence. En effet, le pharmacien de ville a en fait utilisé les ordonnances de la rhumatologue pour la délivrance. Ainsi, l’infirmière procédant aux injections à domicile a bien, comme habituellement, injecté chaque semaine les 15 mg nécessaires. Nul doute que notre sociétaire – et sa remplaçante ! - reliront désormais de manière plus attentive l’ensemble de leurs prescriptions.
- Le décès est imputable au surdosage manifeste en MTX, directement responsable de l’aplasie. Ni le cardiologue ni ses successeurs n’ont pris soin de vérifier la posologie de ce traitement dont ils n’avaient visiblement pas "l’habitude". Et comble de malchance, la patiente, qui présentait des troubles cognitifs, a été dans l’incapacité de réaliser l’erreur de posologie commise et donc de la faire rectifier.
Les recommandations du Comité Médical de la MACSF
Avec le vieillissement de la population, on peut donc s’attendre à ce que le méthotrexate, utilisé dans certains types de cancers et de leucémies et dans certaines affections auto-immunes comme la polyarthrite et le psoriasis, soit de plus en fréquemment prescrit par certains spécialistes. Avec pour corollaire des renouvellements de traitement et des prises en charge par davantage de généralistes mais aussi d’autres praticiens.
Il importe donc de rappeler certains points essentiels :
- La dose maximale est de 25 mg par prise.
- Le produit ne s’administre qu’en une seule injection ou en une seule prise hebdomadaire.
- Sa toxicité est essentiellement hématologique, hépatique et rénale, justifiant une surveillance.
- Il existe de nombreuses interactions délétères favorisant les surdosages, dont certaines avec des médicaments courants et "à portée de malade", en automédication, comme les AINS. Le recours au Vidal 2 ou à un logiciel d’aide à la prescription s’impose donc en cas de doute.
- Il conviendra également d’expliquer au malade la nécessité de consulter en urgence devant l’apparition de signes d’alarme qui lui seront décrits (même si ceux-ci sont clairement énoncés dans la notice) et de signaler à tout intervenant la prise de ce traitement.
- Parce que son administration se fait au long cours et à domicile, chez des patients dont les facultés cognitives sont parfois altérées, le même conseil doit être donné aux infirmières à domicile de vérifier la posologie de MTX (comme d’ailleurs de tout médicament administré). En cas de doute ou de changement récent, mieux vaut surseoir à son administration en l’attente de l’avis éclairé du praticien prescripteur.
- Évidemment, en amont, le pharmacien doit également vérifier la posologie du traitement qu’il délivre, d’autant plus si la rédaction ou l’illisibilité de la prescription prête à confusion…
Car, tous peuvent voir leur responsabilité mise en cause et partagée si l’erreur est établie et qu’elle a été dommageable.