Surveillance d'une patiente par une femme anesthésiste pendant une opération - MACSF

Anesthésie-réanimation : quels sont les motifs de mises en cause ?

Margaux Dima

Le 05.06.2023
À 10:25

5 min

Connaître les motifs de réclamations les plus fréquents dans sa spécialité peut permettre de prévenir certains risques.
À partir d’une étude sur un échantillon de 603 réclamations enregistrées entre 2017 et 2020, MACSF-le Sou Médical vous présente une analyse des motifs de réclamation en anesthésie-réanimation.

Connaître les motifs de réclamations les plus fréquents dans sa spécialité peut permettre de prévenir certains risques. À partir d’une étude sur un échantillon de 603 réclamations enregistrées entre 2017 et 2020, MACSF-le Sou Médical vous présente une analyse des motifs de réclamation en anesthésie-réanimation.

Sur quels actes les réclamations ont-elles porté ?

Plus de 95 % des réclamations impliquent un sinistre qui a eu lieu en clinique et 5 % à l’hôpital (praticien hospitalier avec secteur privé). Ces chiffres sont en adéquation avec notre portefeuille de sociétaires, la MACSF assurant en grande majorité des professionnels de santé libéraux.

Pour quelle chirurgie ?

84 % de dossiers impliquent une intervention programmée et 16 % une intervention en situation d’urgence.

Il s’agit essentiellement de dossiers ouverts pour des chirurgies invasives, dites "lourdes". Les trois principales spécialités concernées sont :

la chirurgie orthopédique et traumatologique (27 %)
la chirurgie viscérale (20 %)
la chirurgie gynécologique/obstétrique (9 %)
la chirurgie urologique (7 %)
les endoscopies digestives (6,5 %)
la chirurgie du rachis (5 %)
la chirurgie ORL (5 %).

Sur la nature de l’intervention, il s’agit :

d’une voie ouverte (53 %)
d’une chirurgie vidéo-assistée (23 %)
d’une chirurgie par voie naturelle (19 %)
d’une chirurgie radioguidée (2 %)
"autres" (3 %), tels que par exemple, des dossiers de soins intensifs ou encore de phacoémulsification…

Pour quel type d'anesthésie ?

Sans surprise, l’anesthésie générale (AG) concentre près des ¾ des réclamations (74 %). L’anesthésie locorégionale (ALR) correspond à 15 % des dossiers ouverts (avec notamment 4 % de rachianesthésie, 2 % de péridurale et 2 % de péribulbaire…). À noter également 8,5 % de dossiers impliquant l’association d’une ALR et d’une AG.

Dans une moindre mesure, on retrouve des dossiers de réanimation (1 %), de non-participation à la prise en charge correspondant à une mise en cause parmi plusieurs acteurs (1 %) ou encore pour un avis anesthésique (1 dossier). À noter également un dossier pour lequel il n’a pas été possible de renseigner l’anesthésie réalisée.

Pour quels patients ?

Le score ASA ou Physical Status Score permet d’exprimer l’état de santé préopératoire du patient et d’obtenir un paramètre prédictif de mortalité et de morbidité péri-opératoire. À titre préalable, il convient de noter que dans 2 dossiers (0,3 % de l’échantillon), il n’a pas été possible d’identifier ce score dans les éléments communiqués.

L’analyse des dossiers de l’étude permet de mettre en avant la prise en charge d’une majorité de patients présentant un score ASA faible ou relativement faible. En effet, on dénombre :

23,4 % de patients classés ASA 1
40,5 % de patients classés ASA 2

En ce qui concernent les patients présentant un facteur de risque anesthésique (score supérieur ou égal à 3), on relève :

34,5 % de patients classés ASA 3
1,3 % de patients classés ASA 4

Les principaux motifs de réclamation : bris dentaires et infections

Dans plus de la moitié des cas (53 %), le patient engage une procédure pour un des deux motifs suivants :

Bris dentaire (29 %)

Il s’agit de l’événement indésirable le plus fréquemment rencontré en anesthésie. Le plus souvent, le bris dentaire survient en cas d’intubation difficile et/ou chez des patients avec un état dentaire altéré.

Pour connaître les principaux manquements retenus contre les anesthésistes, voir notre article "Anesthésie-réanimation : quelles suites après une mise en cause de responsabilité ?" >

Sur les 173 dossiers de bris dentaires :

142 sont en lien avec une intubation orotrachéale
18 impliquent l’utilisation d’un masque facial
13 concernent l’utilisation d’un masque laryngé

Ce risque se produit donc essentiellement au moment de l’intubation lors de l’utilisation du laryngoscope, en per anesthésie mais très peu en salle de réveil.
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S’agissant plus particulièrement du masque facial, il est à noter que 27 dossiers concernent un bris dentaire dans les suites d’une endoscopie digestive, dont 15 dossiers impliquent l’utilisation d’un masque facial (sur les 18 dossiers enregistrés pour l’ensemble de l’étude).

Dans ces dossiers, le médecin anesthésiste est donc mis en cause parmi plusieurs acteurs mais n’est pas celui qui est directement à l’origine du dommage.

Infection postopératoire (24 %)

Pour de nombreuses professions chirurgicales, l’infection associée aux soins constitue un des principaux motifs de réclamation pour le patient.
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Bien que le praticien soit, en théorie, moins exposé que l’établissement de santé depuis la mise en place du régime de responsabilité sans faute, il n’échappe pas malgré tout à la réclamation.

Aujourd’hui, le temps opératoire est très encadré et le risque infectieux très surveillé mais les germes retrouvés demeurent presque exclusivement manu-portés ; ce qui oriente la réflexion vers le facteur humain (respect des règles d’hygiène édictées par la Société Française d’Hygiène Hospitalière par exemple…), barrière de sécurité à prendre en compte dans la prévention des infections (détection des patients à risque - score en préopératoire - ou encore respect des délais d’administration de l’antibioprophylaxie et dosage adapté…).

Si le chirurgien est le principal concerné, le médecin anesthésiste, en charge de l’administration de l’antibioprophylaxie (Recommandations Formalisées d’Experts de la Société Française d’Anesthésie Réanimation – 2018), est fréquemment mis en cause conjointement avec l’opérateur.

Les complications chirurgicales postopératoires (11 %) et les séquelles neurologiques (10 %) constituent les troisième et quatrième motifs de réclamation rencontrés pour la cohorte.

Quelques exemples de complications médico-chirurgicales postopératoires

choc hémorragique (8 dossiers) ou hémorragie (6 dossiers),
hématome post interventionnel (3 dossiers),
détresse respiratoire (2 dossiers),
dysphonie (2 dossiers),
pneumopathie d’inhalation (1 dossier) …

Les réclamations sont également motivées par l’existence de complications anesthésiques (6 %) ou de complications chirurgicales peropératoires (3 %) ou encore par des accidents vasculaires cérébraux (2 %) souvent en lien avec la gestion des anticoagulants.

De manière moins significative, la demande peut, par exemple, être justifiée par une erreur médicamenteuse (4/603 dossiers), une réaction anaphylactique (4/603 dossiers), un coma (4/603 dossiers), une erreur de côté (3/603 dossiers), des brûlures (1/603 dossiers) ou encore une perforation d’organe (1/603 dossiers) …

Pour en savoir plus sur le périmètre de l'étude

Pour dégager des tendances statistiques sur ce risque médico-juridique, la MACSF a mis en place un Observatoire du risque médico-juridique en anesthésie-réanimation.

Il s’agit d’une base de données répertoriant toutes les réclamations patient enregistrées à la MACSF, impliquant un médecin anesthésiste-réanimateur sur une période déterminée (ici 4 années), quel que soit le type (civil, pénal, amiable...) et l’issue (favorable, défavorable ou sans suite).

L’objectif de ces analyses est également de mettre en évidence des récurrences sur les motifs de réclamations, mettant en évidence des vulnérabilités dans les process de prise en charge, et permettant ainsi aux professionnels de santé de mettre en place des actions de prévention et de sensibilisation à ces risques (individuelles et/ou collectives).

Quelles suites après une mise en cause de responsabilité ?

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À propos de l'auteur

Margaux Dima

Titulaire d’un master 2 en Droit médical et pharmaceutique, Margaux DIMA est juriste à la MACSF depuis 2012. Depuis 2018, elle se consacre à la prévention des risques médicaux au sein du service « Gestion des Risques » de la Direction Indemnisation et Communication Médicale.