Chirurgie orthopédique et traumatologique : quelles suites pour les mises en cause de responsabilité ?

Une majorité de dossiers connaît une issue favorable

Dans le cadre d’une étude sur un échantillon de 1 355 réclamations entre 2016 et 2020, on constate que 83 % des dossiers sont terminés et 17 % sont toujours en cours. 

Sur les 1 122 dossiers terminés, nous considérons que 84 % ont connu une issue favorable pour nos sociétaires, soit parce que le dossier ne connaît aucune suite, soit parce que le chirurgien orthopédique est mis hors de cause, soit après dépôt d’un rapport d’expertise favorable pour le praticien sans suite de la procédure par le patient.  

A l’inverse, 16 % de ces dossiers terminés ont évolué défavorablement pour nos sociétaires mis en cause, soit par une condamnation judiciaire, soit en raison d’un avis CCI défavorable. Avec l’accord de nos sociétaires, des dossiers sont également transigés à l’amiable suite au dépôt d’un rapport d’expertise amiable ou judiciaire défavorable risquant d’évoluer vers une poursuite de la demande indemnitaire. 

Sur les 233 dossiers en cours, il convient de relever 52 dossiers dans lesquels il existe un risque de voir la responsabilité du praticien retenue. Il s’agit de dossiers en cours pour lesquels un rapport d’expertise défavorable a été rendu et qui sont en attente d’un jugement (civil ou pénal) ou d’un avis CCI établissant les éventuelles responsabilités. 

Sont également à relever 97 dossiers en cours avec un rapport d’expertise favorable.  

84 dossiers correspondent à des dossiers "en cours", en attente d’organisation d’une expertise. A noter que ce chiffre apparaît élevé et peut être, en partie, expliqué par le report de nombreuses expertises en 2020 en raison du contexte de pandémie mondiale. 

Quels sont les principaux manquements retenus contre nos sociétaires chirurgiens orthopédiques ?

Sur l’échantillon de l’étude, 182 dossiers ont conduit à une responsabilité de nos sociétaires chirurgiens orthopédiques, pour des motifs divers. 

Le défaut de prise en charge post opératoire (72 dossiers)

Le risque juridique se concentre donc essentiellement sur la période postopératoire. En effet, il n’est pas rare que la responsabilité du chirurgien orthopédique soit notamment retenue pour un défaut de prise en charge en postopératoire d’un syndrome infectieux. 

La cause de la responsabilité réside le plus souvent dans : 

• La gestion de la complication infectieuse : soit par l’absence de recours à un avis collégial et notamment aux compétences d’un infectiologue, soit en raison de la mise en place d’une antibiothérapie inadaptée dans son principe ou sa posologie ou encore en raison d’examens d’exploration du germe absents ou incomplets…
• Le manque de coordination au sein de l’équipe médicale, par exemple : gestion du traitement personnel après intervention chirurgicale/reprise du traitement anticoagulant. 

Pour davantage d’efficience, cette prise en charge doit être anticipée, de concert avec la direction de l’établissement et "protocolisée" de façon à ce que les rôles de chacun soient préalablement clairement définis. Les différentes étapes de la prise en charge médicale du patient doivent être tracées dans son dossier médical notamment pour faciliter la défense du praticien, en cas de litige.

La maladresse/défaillance technique (67 dossiers)

A titre d'exemple, il s'agit :

• La section partielle du nerf médian pour une intervention de canal carpien bilatéral.
• L’atteinte tronculaire du nerf sciatique lors de la pose d’une prothèse de hanche.
• Ou encore d’une hypercorrection avec un varus résiduel de 15 degrés suite au traitement chirurgical d’une arthrose fémoro-tibiale externe importante…

L’indication opératoire (18 dossiers)

Le plus souvent, il est reproché aux chirurgiens orthopédiques : 

• Des indications opératoires précipitées voire abusives au vu des signes cliniques présentés par le patient. Pour exemple, un patient avec un hallux valgus précoce a été opéré et a présenté dans les suites une algodystrophie et un patient présentant une lésion méniscale s’est vu poser une prothèse sans proposition d’alternative thérapeutique. 
• Des défauts ou retards de diagnostic, le plus souvent de complications infectieuses (11 dossiers).
• La technique chirurgicale utilisée (7 dossiers) et la prise en charge globale du patient avec un défaut de prise en charge en pré opératoire, opératoire et postopératoire (2 dossiers). 

A noter que deux dossiers concernent une demande de remboursement de l’intervention réalisée : récidive d’une intervention pour ongle incarné et échec d’une arthrodèse du gros orteil (remboursement du dépassement d’honoraires). 

Le non-respect de l’obligation d’information

Sur l’échantillon des 1 355 réclamations de l’étude, la responsabilité de 17 de nos sociétaires orthopédiques a été retenue au titre d’un défaut d’information (dont trois dossiers où c’est le seul manquement qui leur a été reproché). 

L’information du patient constitue un temps fort de sa prise en charge. Elle est indispensable à l’obtention de son consentement libre et éclairé à l’acte médical ou chirurgical envisagé. En ce sens, il ne s’agit pas pour le médecin de donner une information "brute" sans aucune explication, celle-ci doit être "claire, loyale et appropriée" et adaptée à l’état de santé, aux investigations et aux soins proposés (article 35 du Code de déontologie médicale).

Sur les 17 dossiers dans lesquels un défaut d’information a été retenu, on retrouve  : 

• Un défaut d’information sur les risques de complication liés à l’acte envisagé :  tout patient doit être informé des risques fréquents ou graves (même exceptionnels selon la jurisprudence) normalement prévisibles. Satisfaire pleinement à cette obligation peut s’avérer compliqué en pratique. Pour aider les médecins à délivrer une information la plus exhaustive possible (but de l’intervention, modalités de réalisation de celle-ci, risques immédiats et secondaires, complications graves et/ou exceptionnelles…), il est de plus en fréquent que des syndicats de praticiens ou sociétés savantes partagent des documents d’information « types » permettant de satisfaire au maximum aux conditions édictées par les textes et la jurisprudence.  
• Une absence de document d’information et/ou le consentement éclairé dans le dossier médical du patient. Or, si ni les textes, ni la jurisprudence n’obligent le médecin à donner une information écrite à son patient, celle-ci vient en complément de l’information orale et permet d’établir sa délivrance en cas de litige. En effet, lors d’une expertise médicale, il faut bien garder à l’esprit que ce qui n’est pas tracé est considéré comme non fait. 
• Une indication "précipitée" et un défaut d’information sur l’existence d’une alternative thérapeutique, ne permettant pas au patient de donner son consentement éclairé à l’acte chirurgical réalisé. 
• Un défaut d’information, de communication, en postopératoire sur la complication présentée par le patient. 
• Un défaut d’information sur le compte rendu postopératoire. 

Pour aller plus loin
Consulter notre Livre blanc "L'obligation d'information" >

Quels sont les motifs de mises en cause ?

Quelques exemples de dossiers fautifs